Organisée à l’initiative de l’Alliance pour Refonder la Gouvernance en Afrique, la première édition des Journées Annuelles de la Gouvernance en Afrique (JAGA) sur le thème de « l’Afrique réinvente sa gouvernance » s’est tenue à Praia (République du Cap-Vert) du 9 au 12 juillet 2012.
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Première d’une série de quatre conférences, le compte-rendu de la conférence de Praia sur l’Afrique réinvente sa gouvernance, présente une synthèse générale des travaux des cinq ateliers qui se sont tenues en parallèle ainsi que la déclaration qui en est issue, et la liste des participants.
Les débats ont révélé la pertinence du thème de la conférence et des propositions qui ont structuré les ateliers. Ils ont particulièrement insisté sur la nécessité d’une approche systémique de la problématique du développement de l’Afrique et l’exigence de relier les thèmes, les acteurs et les échelles de gouvernance.
La Déclaration finale reprend un certain nombre de constats et dégage des pistes pour l’avenir ; aussi, elle se présente plus comme un véritable manifeste que comme une déclaration classique.
Les principaux constats sont les suivants :
1. « La prise en compte de la gouvernance comme étant à la fois la source et la solution des crises multiformes, politiques, sociales, économiques, que connaît le continent africain;
2. La nécessité pour le continent de se doter d’une vision endogène, globale et à long terme de sa gouvernance, …
3. La nécessité pour l’Afrique non seulement de participer activement au processus de mondialisation, mais aussi d’en partager le leadership,…
4. La nécessité pour les sociétés africaines de définir, formaliser et mieux promouvoir les valeurs et les principes partagés qui doivent fonder les relations entre les individus et entre les communautés, …
5. La nécessité de s’appuyer stratégiquement sur les processus de décentralisation, considérés non pas comme de simples réformes administratives, mais comme un projet éminemment politique de refondation des États, …
6. La nécessité de renforcer les processus d’intégration régionale en valorisant la complémentarité entre les dynamiques institutionnelles et intergouvernementales et les dynamiques sociales …
7. L’importance de l’utilisation des langues africaines dans les systèmes éducatifs, institutionnels et administratifs
8. La nécessité de construire la vision et le projet africain de gouvernance avec les partenaires de l’Afrique ».
Les lignes directrices d’une stratégie de refondation effective de la gouvernance en Afrique ont été identifiées en tenant compte du contexte actuel et des perspectives d’évolution :
1. le partenariat multi-acteurs doit être le moteur de l’élaboration, de la mise en œuvre et de l’évaluation des politiques publiques …
2. l’éducation et le renforcement de la conscience et des valeurs citoyennes sont les leviers pour garantir la primauté de l’intérêt général sur les intérêts particuliers ou de groupe …
3. les forces de défense et de sécurité des États doivent être des forces républicaines …
4. les processus constitutionnels doivent être plus inclusifs …
5. les institutions d’intégration régionale doivent poursuivre leurs efforts en vue de construire une vision et un projet d’intégration régionale qui promeut une citoyenneté régionale effective …
6. les États doivent valoriser l’utilisation des langues nationales, renforcer et approfondir les processus de décentralisation dans une vision partagée avec les collectivités territoriales et l’ensemble des acteurs locaux
7. la Diaspora africaine doit participer activement à l’œuvre de refondation de la gouvernance en Afrique.
Au cours de l’atelier, la notion de citoyenneté a été âprement débattue. Étymologiquement, citoyen vient du latin civitas qui signifie « avoir droit de cité », aujourd’hui, cela implique notamment les droits dont disposent les habitants d’un État. Et donc notamment le droit de participer à la construction du projet collectif de « vivre ensemble ».
Il convient alors de :
« co-construire » avec les bases (et le rôle des acteurs de la société civile est cruciale ici)
prendre en compte les langues parlées : il y a un manque singulier de pertinence à vouloir organiser le « vivre ensemble » dans des sociétés lorsque des populations ne comprennent pas la langue officielle de leurs propres pays ! Ainsi, il convient d’utiliser les langues locales ou nationales pour construire avec les populations
éduquer : l’éducation a un rôle crucial, notamment dans le transmission du sentiment citoyen
identifier et de promouvoir les valeurs et principes partagés.
Comment, dans un environnement de pluralisme normatif et institutionnel, concevoir et mettre en œuvre des modes de gouvernance légitimes et efficaces susceptibles de favoriser le développement ?
Les débats de l’atelier 2 ont permis de dégager plusieurs objectifs stratégiques :
Objectif stratégique 1 : Contribuer à la connaissance et à la reconnaissance des institutions et mode traditionnels de régulation notamment en investissant dans la recherche interdisciplinaire sur les modes et institutions traditionnels de régulation; en intégrant dans les systèmes éducatifs de l’étude des modes et institutions traditionnels de régulation ; en utilisant des langues nationales dans les systèmes éducatifs, administratifs et autres ….
Objectif stratégique 2 : Faire des processus de décentralisation le moteur de la régulation de la diversité, notamme en décentralisant la fonction d’édiction des normes dans le cadre de principes convenus, en trouvant des mécanismes de complémentarité entre les modes étatiques et traditionnels de résolution des conflits
Objectif stratégique 3 : Faire émerger de meilleures modalités de régulation du pouvoir politique en tirant le meilleur de la tradition et de la modernité en faisant des constitutions africaines des outils efficaces de prévention et de résolution des litiges politiques ; en intégrant dans les constitutions africaines la prévention et la résolution des conflits politiques par l’implication des acteurs non politiques (comité des sages par exemple)…
Que l’on considère sa localisation géographique (dans les différentes sous régions) sur le continent ou sa culture administrative (francophone, lusophone, arabophone, anglophone) l’Etat africain post colonial souffre d’un déficit de légitimité qui se manifeste par des difficultés réelles à assurer la cohésion et la stabilité en son sein, et à satisfaire les besoins incompressibles des populations.
A l’issue des débats au sein de l’atelier, plusieurs propositions ont été élaborées pour que la construction de cet Etat africain (qui devrait être alimentée par une véritable prospective dynamique et une réflexion permanente - avec l’institution de « think tank » ou « entreprises d’idée - qui dépasse le court terme des mandats politiques et leurs objectifs de maintien au pouvoir), puisse se faire à partir deux piliers essentiels : la décentralisation et l’intégration régionale.
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La gestion des affaires publiques en Afrique fait l’objet de beaucoup d’analyses ; tantôt elle est décrite comme calquée sur le modèle colonial, tantôt comme lestée du poids des allégeances communautaires ou carrément faisant l’objet d’une opacité à nulle pareille.
Les affaires publiques sont dans beaucoup de pays africains gérées par une élite administrative et politique qui est souvent tentée d’en faire une situation de rente et du coup excluant le citoyen qui est pourtant l’usager auquel le service public est destiné originellement.
Une gestion adaptée et inclusive des affaires publiques en Afrique passe par une prise charge des enjeux et défis…
Les participants à l’atelier 4 proposent un certain nombre d’actions structurantes tout en définissant le rôle et la responsabilités des acteurs.
Question brûlante, au regard des crises qui secouent de nombreux pays africains, la problématique de la sécurité et de paix durable est aujourd’hui un enjeu majeur de gouvernance en ce qu’elle interroge les fondements institutionnels des États nation postcoloniaux. La refondation de la gouvernance va donc de pair avec celle de la sécurité et de la paix sans lesquelles tout effort de développement économique et social est d’avance compromis.
Cette synthèse fait l’économie des échanges sur chacun de ces points. Elle s’articule essentiellement sur trois parties tenant compte du canevas proposé par l’organisation : les constats, les enjeux et défis majeurs et des propositions d’objectifs stratégiques et d’actions structurantes en lien avec les rôles et responsabilités des différentes catégories d’acteurs.
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Le Président de la République du Cap-Vert, Dr. Jorge Carlos de Almeida Fonseca, s’est longuement exprimé à l’ouverture de la première conférence annuelle sur la gouvernance en Afrique, et a fait valoir qu’il était urgent de réfléchir et de parvenir à des solutions consensuelles et opérationnelles aux défis auxquels est confrontée l’Afrique. (version originale en portugais)
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Monsieur Soungalo Appolinaire Ouattara, Ministre de la fonction publique, du travail et de sécurité sociale du Burkina Faso nous interpelle sur … « l’urgence de favoriser l’émergence d’une nouvelle façon de penser l’action publique, du local régional en passant par le national, au plan économique, politique et sociale en partant des aspirations collectives. Une telle vision suppose d’une part, la prise en compte de chaque catégorie d’acteurs avec son expertise et son expérience, du nécessaire dialogue entre elles, et d’autre part, une bonne articulation entre les échelles territoriales dans la conception, la planification et la mise en œuvre des politiques publiques. » (Version originale en français)
Monsieur Cheikh Abiboulaye Dièye, Ministre de l’aménagement du territoire et des collectivités locales, souligne que … « ce sont ces africains qui dans les années 90 ont eu la conviction en Afrique de l’ouest que la démocratie n’était pas un luxe et qu’elle valait bien que leur sang fût versé pour le triomphe des idéaux de liberté et de progrès social. Ce sont ces africains qui ont lutté et réussi pour que l’apartheid soit extirpé des entrailles de l’Afrique du sud. Ce sont ces africains qui récemment en Afrique du nord ont eu le courage et la détermination nécessaires pour renverser des régimes oppresseurs et répressifs. Ce sont ces femmes et ces jeunes qui, individuellement ou organisés dans la société civile, se mobilisent pour sortir de la pauvreté et de l’absence de perspectives. Ce sont ces africains ici présents qui se fixent un nouvel horizon avec la conviction que l’Afrique peut décider de son destin en définissant elle-même son rapport à soi et son être au monde. » (version originale en français).
Son Excellence Phillipe Barbry, Ambassadeur de France en Republique du Cap Vert est revenu dans son discours sur la refondation « que le séminaire contribuera à faire émerger ». Il souligne que la refondation necessite de la part des bailleurs « un remodelage de leur coopération ». Son discours relève aussi que « Le temps des transferts de modèles est bien révolu et il s’agira, dans un temps peut-être plus long que celui des projets classiques, de travailler ensemble à l’expression concertée des besoins, d’accompagner le changement, de proposer des « itinéraires » et de tirer les leçons de toutes les expériences. » (version originale en français)
Madame Françoise Macé de la Fondation Charles Léopold Mayer pour le Progrès de l’Homme, partenaire de l’ARGA depuis plus de 10 ans, souligne qu’« un autre espace doit nous inspirer, celui de la Méditerranée. Les relations présentes et à venir entre l’Union Africaine et l’Union Européenne et l’Union Africaine et les pays arabes en général est une question centrale. Il y a déjà eu deux sommets Afrique-Monde arabe récemment. Ils se posent la question de savoir si la Méditerranée est une région-tampon, un trait d’union ou un espace de fracture ? »
M. David Keller, directeur de l’African Innovation Foundation (AIF) a été très “impressionné par le déroulement et les résultats de la conférence ». Il exprime sa fascination devant la qualité des débats, la finesse des analyses à la fois sur les défis de la gouvernance et les opportunités que présentent le continent, mais aussi la volonté des participants de donner à la gouvernance en Afrique une nouvelle direction.
Présentation courte des participants à la Conférence, classés par ordre alphabétique. Les 5 régions d’Afrique ainsi que la diaspora étaient représentées, de milieux socioprofessionnels divers tels que : traditionaliste, religieux, Etat, administration, militaire, universitaire, chercheur, média, association et ong, organisation paysanne; secteur privé, étudiant, fondation; coopération; organisation internationale …