Atelier :


Toutes les propositions

La Problématique de la Sécurité des Villes à Croissance Rapide de l’Afrque Subsaharienne

Colonel Djibril Ndim

Adjoint des Ressources Humaines des Armées

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Atelier 05. Construire les conditions d’une sécurité pour tous: Pour une Gouvernance Partagée de la Sécurité en Afrique

Zeïni MOULAYE

Né en 1954 à Gao, au Mali, Zeïni MOULAYE est Docteur en Science Politique, spécialisé en Relations Internationales et en Communication. Ancien Ministre, il a exercé les fonctions de Chef de la coopération bilatérale et de Directeur général adjoint des affaires politiques au Ministère des affaires étrangères du Mali. Il a également été Conseiller Spécial du Président de la République du Mali. Consultant indépendant depuis 1994, il a occupé les postes de Conseiller Politique à la Coopération canadienne au Mali et de Conseiller Spécial du « Programme de Coordination et d’Assistance pour la Sécurité et le Développement (PCASED) », un programme régional du PNUD couvrant les 15 pays membres de la CEDEAO.

Depuis le 1er octobre 2008, il est le Coordonnateur du « Programme de Gouvernance Partagée de la Sécurité et de la Paix (PGPSP) », un programme conjoint PNUD/MALI.

Le Dr Zeïni MOULAYE l’auteur ou le co-auteur de plusieurs articles de presse, analyses et études de recherche notamment :

1. Gouvernance partagée de la sécurité : l’expérience malienne, (en collaboration avec Mahamadou Niakaté,), Abuja, Friedrich Ebert Stiftung, décembre 2011.

2. Criminalité et justice criminelle (en collaboration avec Amidou Diabaté et Assétou Koité), Institut d’Études de Sécurité, Nairobi, juin 2009, 105 pages ;

3. L’Assemblée Nationale du Mali sous la troisième République (en collaboration avec Dr Amadou Keïta), Bamako, Friedrich Ebert Stiftung, 2ème édition, octobre 2008,252 pages ;

4. Société civile et gouvernance de la sécurité au Mali (ouvrage collectif sous ma direction), Bamako, Éditions Coopération Technique Belge, janvier 2008 ;

5. Paix et sécurité dans la Communauté Économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC), préalable du développement (ouvrage collectif), Yaoundé, Éditions Presse Universitaire d’Afrique-Friedrich Ebert Stiftung, décembre 2007, 134 pages ;

6. Gouvernance de la justice au Mali, (en collaboration), Bamako, Friedrich Ebert Stiftung, novembre 2007, 192 pages ;

7. L’Assemblée Nationale du Mali sous la troisième République (en collaboration avec Dr Amadou Keïta), 1ère édition, Bamako, Friedrich Ebert Stiftung, mai 2007, 176 pages ;

8. Democratic governance of security in Mali, A sustainable development challenger, Abuja, Nigeria, Friedrich Ebert Stiftung, 2006 205 pages ;

9. Gouvernance démocratique de la sécurité au Mali : un défi du développement, Bamako, Friedrich Ebert Stiftung, décembre 2005, 197 pages ;

10. Gouvernance du secteur de la sécurité en Afrique de l’Ouest. Les cas de : Bénin, Côte d’Ivoire, Ghana, Mali, Nigeria, Sénégal (ouvrage collectif), Abuja, Friedrich Ebert Stiftung, décembre 2004, 239 pages.

Le Dr Zeïni MOULAYE est membre fondateur de WANSED (West African Network on Security and Democratic Governance), un Réseau ouest-africain sur la sécurité et la gouvernance démocratique partenaire de la CEDEAO pour la conceptualisation et la mise en œuvre du projet de « Cadre de Gouvernance Démocratique et de Réforme du Secteur de la Sécurité en Afrique de l’Ouest ».

Enjeux et défis

Les enjeux de la sécurité sont de quatre ordres :

• Le premier est l’enjeu de la paix sociale et de la sécurité humaine. La paix et la sécurité sont des coûts du développement et le développement une dimension fondamentale de la sécurité et de la paix. La sécurité humaine est garante de l’intégrité physique des individus et du respect de la dignité humaine. Elle est cruciale pour l’harmonie sociale et l’unité nationale ;

• Le deuxième est l’enjeu de la démocratie. La sécurité est garante de l’éclosion de la diversité et des particularismes. Elle permet d’assurer la pluralité politique et l’épanouissement démocratique. Elle favorise les conditions sereines de participation des citoyens au processus démocratique ;

• Le troisième est l’enjeu de la décentralisation. La gouvernance démocratique de la sécurité devrait permettre la création de services sécurité adaptées aux réalités du Mali des profondeurs. Elle devrait offrir aux populations à la base l’occasion d’accéder directement à des services sécurité de proximité. Elle devrait renforcer l’autorité des maires (en charge bon ordre et tranquillité citoyens dans les communes) autant que celle de l’État, notamment par présence physique et dissuasive d‘Agents de sécurité en uniforme ;

• Le quatrième est l’enjeu de la souveraineté nationale. La récente expérience malienne (présence d’AQMI et de narcotrafiquants) nous révèle que lorsqu’elle n’est assurée de manière adéquate, l’insécurité peut remettre en cause la souveraineté des États. A contrario, lorsqu’elle est garantie, elle éloigne les facteurs de déstabilisation et de division des États ;

• Le cinquième est l’enjeu du développement. La gouvernance démocratique de la sécurité devrait stimuler la création d’un climat serein propice aux investissements internes et externes, à la promotion des entreprises et à la création de richesses et d’emplois, favoriser participation active et productive ensemble citoyens au développement économique et social. Elle devrait aussi inciter au partage judicieux rôles et responsabilités entre tous les acteurs du secteur de la sécurité qui sont aussi les acteurs du développement (pouvoirs publics, administration générale, secteur privé, société politique, société civile, collectivités locales, communautés, partenaires techniques et financiers).

Propositions de changement

Le salut de l’Afrique en matière de sécurité réside dans une forme de gouvernance nouvelle et efficace qui appelle un nouveau monde sécuritaire : un monde pacifique, extirpé de sa pauvreté criante, de la haine, du désespoir et de la destruction, un monde respectueux de la dignité humaine, attaché aux valeurs universelles qui fondent la démocratie. Cette nouvelle forme de gouvernance de la sécurité, c’est « la gouvernance démocratique de la sécurité » dont le versant pratique est « la gouvernance partagée de la sécurité ».

La gouvernance démocratique de la sécurité que nous suggérons ici exige que l’homme soit placé au cœur de la sécurité (privilégier donc la sécurité humaine), que le secteur de la sécurité soit intégré au processus démocratique et développemental global de nos pays et qu’il tienne compte des valeurs intrinsèques africaines ainsi que des mécanismes endogènes qui ont fait leurs preuves à travers les siècles en termes de sécurité, de sorte que la sécurité devienne un facteur déterminant du développement et le développement une dimension fondamentale de la sécurité.

Privilégier la sécurité humaine n’implique point une négligence de la sécurité nationale, au contraire, il faut développer concomitamment les deux formes de sécurité : la sécurité nationale nécessaire mais pas suffisante pour assurer la sécurité des personnes et des biens et la sécurité humaine indispensable pour assurer la sécurité physique des individus et garantir la paix sociale, la stabilité politique, la démocratie et le développement.

Mais pour qu’elle soit, la gouvernance démocratique de la sécurité requiert la participation active de tous les acteurs du développement (pouvoirs publics, administration, société politique, société civile, secteur privé, collectivités territoriales, communautés, partenaires techniques et financiers, etc.) à la gestion des questions de sécurité. Elle suppose une redistribution des cartes et un juste partage des rôles et des responsabilités entre tous les acteurs de la sécurité. Elle appelle un contrôle démocratique direct et indirect ainsi que le respect de certains critères de bonne gouvernance comme la responsabilité, l’imputabilité, la transparence, l’obligation de rendre compte etc

Face à l’adversité, il faut jouer d’intelligence et mettre en œuvre des stratégies de lutte inspirées des réalités africaines et qui reposeraient, en priorité, sur les axes suivants :

 La promotion de la bonne gouvernance ;

 Une lutte acharnée contre la corruption et l’impunité ;

 Le renforcement des capacités et, plus généralement, le développement des ressources humaines ;

 Le principe de précaution et la culture de la prévention ;

 La culture de la paix, de la sécurité et des droits humains ;

 Le micro-désarmement pratique lié au développement ;

 La lutte contre le terrorisme, notamment à travers un combat doctrinal car leur bataille est fondée sur l’idéologie ;

 Une gouvernance de la sécurité participative et démocratiquement contrôlée, dans le cadre de la gouvernance partagée de la sécurité.

La « gouvernance démocratique de la sécurité » dont le versant pratique est la « gouvernance partagée de la sécurité ». Elle consiste notamment à :

• intégrer la sécurité dans la gouvernance démocratique et développementale globale des Etats, de sorte que le développement devienne une dimension fondamentale de la sécurité et la sécurité un coût du développement, un coût qui doit être assumé par tous les acteurs du secteur de la sécurité ;

• placer l’homme au cœur de la sécurité et à lier le développement à la sécurité ;

• amener les forces de sécurité à adhérer aux principes universels qui fondent la démocratie et à s’ouvrir aux autres acteurs du secteur de la sécurité ;

• développer concomitamment deux formes de sécurité : la sécurité nationale, nécessaire mais pas suffisante pour assurer la sécurité des personnes et des biens, et la sécurité humaine pour assurer la paix sociale et la stabilité politique, garantir la démocratie et le développement durable ;

• exhorter la participation active de tous les acteurs du développement (secteur public, secteur privé, société politique, société civile, collectivités locales, communautés, partenaires techniques et financiers, etc.) à la gestion des questions de sécurité ;

• redistribuer les cartes de gestion de la sécurité, de sorte qu’il y ait un partage judicieux des rôles et des responsabilités entre tous les acteurs du secteur de la sécurité sur la base de critères de bonne gouvernance (transparence, responsabilité, imputabilité, obligation de rendre compte, entre autres) ;

• soumettre les questions de sécurité au contrôle démocratique (direct et indirect) ;

• faire de la sécurité une priorité et un moteur du développement.

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Construire une sécurité pour tous en Afrique : enjeu de la refondation de l’Etat et de l’économie

El Hadji Mor Lissa (Alias Momar) Dieng - Alliance pour Refonder la Gouvernance en Afrique

Economiste de formation, expert en politiques de développement agricole et rural, en méthodes d’évaluation de projets et programmes. Membre du centre de ressources de l’ARGA.

Enjeux et défis

Il est unanimement reconnu que les sociétés qui se développent sont celles qui parviennent, sur de longues durées, à construire des consensus stables sur les structures, les processus, les institutions qui régulent les modes dévolution du pouvoir, de gestion des ressources publiques, de régulation des rapports entre les individus et dans leur relation à la puissance publique. L’application de la gouvernance à la sécurité et à la paix pourrait donc référer à l’institutionnalisation, par l’Etat et les autres composantes de la société (société civile, le privé, les partis politiques), de la capacité de résoudre les conflits internes sans violence. Or, pour la grande majorité des Etats africains post-coloniaux, l’édification endogène de l’État a fait naître des structures politiques excessivement centralisées, autoritaires et prédatrices qui ont fait le lit des foyers de guerre et de tensions qui se sont presque partout allumés en Afrique, depuis les indépendances.

Par ailleurs, il y a un lien évident entre le niveau de satisfaction des besoins économiques et sociaux des populations et la paix et la stabilité du pays. Or, les niveaux de vie des populations africaines, dans leur grande majorité, restent désespérément bas, même dans les pays ayant connu d’assez forts taux de croissance économique durant les deux dernières décennies écoulées. L’économie africaine demeure très fortement liée à l’essor du secteur primaire. Mais la productivité agricole n’a que très faiblement progressé, or elle occupe près de 70% de la population active. Aussi, le continent continue de dépendre largement de l’exportation de produits primaires à faible valeur ajoutée, résultant de l’activité minière. Il s’y ajoute les innombrables distorsions de la gouvernance économique liées l’absence de responsabilité financière et de transparence. Et tout cela se déroule dans un contexte où l’éthique professionnelle médiocre des fonctionnaires favorise un clientélisme généralisé, l’installation d’un climat défavorable ou d’un cadre juridique peu crédible pour l’investissement et le développement économique, aussi bien aux yeux des acteurs intérieurs qu’extérieurs. Ajoutés au déficit chronique de la balance des paiements et à l’inflation de la dette, tous ces facteurs conduisent à l’affaiblissement de la capacité de la puissance publique à intervenir efficacement sur la satisfaction de la demande d’une population qui augmente et qui est de plus en plus jeune, qui a des besoins sociaux, éducatifs et sanitaires importants et diversifiés. Les frustrations qui résultent de la combinaison de toutes ces contraintes alimentent, à leur tour, les sources de conflits et d’instabilité sociale et politique.

Ainsi, nous le voyons bien que : « sans la paix, le développement n’est pas possible et sans le développement, la paix n’est pas durable ». Ceci conduit à situer, pour assurer une sécurité pour tous et une paix durable, au moins deux enjeux: (1) la légitimation de l’Etat (est-il légitime en ses structures et en ses institutions?);(2) l’efficacité de l’action publique (répond-elle aux besoins des citoyens?).

Propositions de changement

PROPOSITIONS CONTRIBUANT A ASSEOIR LA LEGITIMITE DE L’ETAT POUR LA CONSOLIDATION DE LA SECURITE ET DE LA PAIX

Décentraliser l’Etat

La décentralisation doit contribuer à créer les conditions institutionnelles pour une reconnaissance des particularismes territoriaux et sociologiques, dans un contexte d’Etat-nation unifié. En dépit de trois siècles d’esclavage et de colonisation, qui ont interrompu le processus historique de leur construction en tant qu’entités étatiques, les société africaines sont demeurées essentiellement composites et plurinationales. Les efforts déployés (souvent par la violence) par l’Etat-colonial, d’abord ; l’Etat-post colonial, par la suite, pour gommer les différences entre ces communautés sociologiques, n’ont pas empêché ces groupes de se référer d’abord et avant tout à leurs communautés de caractère et à leurs terroirs. La décentralisation doit offrir un cadre codifié ainsi que que des processus d’autodétermination des communautés au sein d’un même État-nation. La dévolution du pouvoir ne doit pas avoir pour simple effet d’accroître le pouvoir d’une élite locale ou de résumer à une simple déconcentration du pouvoir de l’État central sur une zone géographique étendue. Dans une telle perspective, le processus de décentralisation se doit d’être consultatif, inclusif, pédagogique, progressif. Le rythme de dévolution du pouvoir doit donc être contextualisé, permettre la négociation et aménager des espaces d’apprentissage continu.

Promouvoir une administration publique non partisane

La gestion durable de paix, plus encore dans les situations post-conflits, exige une fonction publique régie par la transparence, le souci de la responsabilité et du bien public. C’est un gage de la crédibilité de l’action publique et donc de l’Etat. A long terme, l’un des piliers de la refondation de l’administration en Afrique, devra être la renégociation du pacte social entre le fonctionnaire et l’usager du service public. Ce pacte devra se fonder sur un code d’éthique du service public qui fixe des repères sur les droits et les obligations de l’administration, mais aussi des usagers de l’administration. Ce code d’éthique du service public doit s’inscrire dans une démarche visant à faire revenir l’administration dans la société, que le fonctionnaire cesse d’être un administrateur et les populations, des administrées. Mais, l’élaboration et la négociation d’un code d’éthique, pour être crédible et opératoire, nécessitent que l’administration se dote des capacités de conduire sa mission, conformément à la lettre et l’esprit de ce code. Cela exige l’amélioration des niveaux de rémunération des fonctionnaires et des perspectives de carrière des fonctionnaires, le renforcement des ressources humaines et techniques, ainsi que des mécanismes et procédures de travail. Aussi, l’objectif de relèvement des capacités des agents de l’Etat, ne peut être atteint et entretenu, si parallèlement on ne combat pas le favoritisme et le clientélisme dans la gestion des carrières des agents de l’Etat.

Asseoir la légitimité des principes électoraux et de représentation

Le principe du gouvernement de la majorité doit, certes, être maintenu, mais moyennant des aménagements profonds qui évitent l’exclusion des minorités de la gestion du pouvoir. Pour accroître les chances de la consolidation de la paix, le mode de scrutin, notamment à l’issue d’un conflit, doit être sensible au souci de faire participer les minorités à la gestion des affaires publiques. A cet effet, le mode de financement du système électoral doit être encadré de sorte que le parti au pouvoir ne soit privilégié. De même, il sera particulièrement important de veiller à l’équité dans la sélection des représentants des partis d’opposition et des autres acteurs politiques, dans les commissions électorales. La surveillance de la consultation électorale par des observateurs internationaux est de nature à la rendre plus crédible, mais le champ d’investigation de ces observateurs devra de plus en plus intégrer tout le processus électoral, lequel, souvent, renferme déjà les germes des futures contestations. Pour ce qui est de la représentation, le pouvoir et son mode de dévolution devront aussi être codifiés dans le sens de garantir aux minorités, protection et participation à la gestion des choses publiques. La légitimité acquise par chacune des communautés constitutives de l’Etat-nation, du fait du « droit de fondation » sera posée par les principes de l’égalité et du droit à la différence. Pour cela, il est important que dans le cadre de l’Etat décentralisé, les communautés jouissent de pouvoirs réservés dans des domaines où la référence à des valeurs ethniques, religieuse, coutumière est particulièrement prégnante (notamment en matière de succession, de droit foncier, de code de la famille…). Il sera alors nécessaire que dans les assemblées locales, échelle à laquelle sont gérées la plupart des affaires relevant des droits particuliers, le mode de dévolution du pouvoir puisse permettre l’expression des légitimités (traditionnelles et religieuses) propres aux différentes communautés. A l’échelle nationale, le Parlement, lieu où se rencontrent des intérêts politiques, sociaux et économiques très variés et où ces intérêts s’arbitrent par l’élaboration de lois et en fin de compte de politiques, la création de capacités, au profit des législateurs et du personnel parlementaire, dans le domaine de la recherche et de la rédaction des lois, est un élément essentiel de l’ouverture politique et de la responsabilité dans l’avènement d’une culture politique pluraliste.

Construction de forces de sécurité républicaines

La culture républicaine s’attache à la conscience que les individus et les communautés ont de leurs de droits et de leurs obligations vis-à-vis de la collectivité et la volonté qu’ils manifestent de traduire effectivement cette conscience dans tous leurs actes publics. Les violations des droits de la personne relèvent, elles, fondamentalement de l’absence d’un Etat de droit et de la pauvreté et l’insécurité dans lesquelles sont plongées nos sociétés. L’Etat ne protège pas assez les citoyens, pire il use souvent de la violence pour régler les conflits sociaux. Or, si l’Etat a le monopole de la violence légitime, la construction d’un Etat de droit ainsi que la subordination des militaires et de la police à l’autorité civile inspirent confiance au public et facilite les processus de gestion post-conflit et de consolidation de la paix. Les initiatives des organisations de la société civile sont à cet égard essentielles, afin que l’ordre public soit le même pour tous. La réforme du secteur de la sécurité revêt une importance critique après la démobilisation, car elle implique ordinairement l’incorporation des combattants démobilisés, appartenant aux diverses factions, dans des organes de sécurité nationale nouvellement créés, et elle permet aussi de corriger les déséquilibres ethniques ou régionaux de la composition de ces forces, en particulier dans l’état-major. La réforme du secteur de la sécurité suppose aussi une formation professionnelle aux notions de discipline et de réconciliation nationale, ainsi qu’aux obligations et responsabilités civiques découlant de la constitution, au respect des droits de l’homme et l’attention à la parité entre les sexes. Une rémunération adéquate et le respect d’un code de conduite rigoureux figurent aussi parmi les éléments des réformes à entreprendre. La communauté internationale doit apporter une contribution sous forme d’assistance technique. Elle devrait également organiser un régime de conditionnalités et de sanctions, afin de contrecarrer l’émergence d’un militarisme, la constitution de milices privées et d’unités de sécurité secrètes.

Améliorer les capacités de concertation à tous les échelons de la société

Pour des sociétés engagées dans un processus de refondation de l’Etat sur une base plurielle, le développement de capacités de concertation est crucial. C’est l’instrument par lequel, les ajustements entre des intérêts souvent contradictoires et divergents, s’opèrent. C’est aussi, le moyen le plus approprié pour élaborer des perspectives et s’entendre sur des projets de transformations sociales, de développement économique. Cette capacité de concertation doit à la fois concerner aussi bien les hommes que les structures. Au niveau des hommes, des actions d’éducation et de formation à la conduite de négociations doivent cibler les leaders et tous les responsables que leurs fonctions amènent nécessairement à prendre des décisions qui engagent des populations. Les structures de concertation seront créées ou encouragées, partout où, du fait de la nature des problèmes traités et/ou de la diversité des acteurs en lice, des arbitrages sont nécessaires.

PROPOSITIONS CONTRIBUANT A ASSEOIR L’EFFICACITÉ DE L’ACTION PUBLIQUE DE L’ETAT POUR LA CONSOLIDATION DE LA SECURITE ET DE LA PAIX

Promouvoir des politiques économiques qui favorisent une croissance soutenue et une répartition équitable des richesses nationales

Les processus de paupérisation alimentent les phénomènes de tension et exacerbent les situations de conflits. La démocratie et la paix cohabitent difficilement avec la pauvreté, particulièrement dans des sociétés qui sortent d’un conflit ou qui sont engagés dans des processus de libéralisation de leur économie de marché et d’ouverture politique. Il sera nécessaire, pour préserver la paix sociale, de promouvoir des modèles économiques qui, tout en favorisant les initiatives individuelles, privilégient la satisfaction des besoins des personnes et des communautés, à la place de la recherche effrénée du profit immédiat. Pour la grande majorité des économies africaines, dont la caractéristique essentielle est le rôle moteur joué par le secteur primaire, la valorisation de l’exploitation familiale, et la transformation endogène des produits miniers et agrosylvopastoraux, doivent constituer les trames initiales des politiques de refondation économique. Des modes de péréquation qui favorisent la valorisation des revenus des secteurs agricoles et miniers artisanaux, lesquels renferment plus de 70% de la population active, doivent contribuer à plus d’équité dans la répartition des richesses nationales. Ces politiques seront soutenues, par des politiques d’aménagement concerté du territoire, qui créent les conditions d’une intégration optimale ville-campagne, réduisent les facteurs d’insécurité et de tensions liées à la démographie galopante et à l’urbanisation non maitrisée. Dans cette perspective, l’ARGA plaide pour un infléchissement des investissements vers l’économie locale.

Promouvoir l’accès aux services sociaux de base pour tous.

L’accès des populations à de meilleurs services socio-économiques de base est une exigence morale et une nécessité pour chaque société qui aspire à un développement harmonieux. Pendant longtemps, les Etats centraux ont tenté de fournir seul ces services, dans une tentative de consolider les indépendances nouvellement acquises par une approche interventionniste et paternaliste du développement. Les réformes publiques rendues nécessaires par les inefficacités dans les modes de délivrance de ces services et soutenues par les changements de paradigme politique intervenus dans les années 1980, ont créé un mouvement de transferts de responsabilités depuis le secteur public central vers d’autres échelles de gouvernance des secteurs publics, privés et associatifs. Les politiques de décentralisation conduites dans les différents pays ont donc aussi un défi explicite : contribuer à faire face au déficit de l’offre locale en services sociaux de bases et à l’accès inégalitaire à ceux-ci.

Expériences et initiatives innovantes

  • 1 - Sur les enjeux liés au développement de modèles économiques qui favorisent un partage plus équitable des richesses et, ainsi réduisent les facteurs de tensions, l’ARGA conduit, en RDC, dans la Province du Katanga, une initiative intitulée: « contribution à l’amélioration de gouvernance du secteur minier au Katanga ».

  • 2 - Sur le même territoire, l’ARGA est en train de formuler une initiative portant sur la problématique de la sécurité alimentaire dans un contexte où l’économie agricole est très fortement concurrencée par un secteur économique minier exerçant une pression tyrannique sur les ressources locales (terres, eaux, forêts, main-d’œuvre locale…)et dont les revenus bénéficient très peu aux populations locales.

  • 3 - En matière de construction d’espace de concertation, le modèle de « Forum Multiacteurs sur la gouvernance », développé au Mali, par l’ARGA, en partenariat avec le CDI (Commissariat au Développement Institutionnel) et l’Ambassade de France au Mali, décrit un mécanisme innovant de construction collective de propositions entre l’Etat et les acteurs non étatiques. Des expériences similaires sont aussi en cours de développement en RDC, au Katanga, autour de la problématique de la gouvernance du secteur minier (voir c-dessus, au point 1°)