Faisant abstraction de la complexité des rapports sociaux, la mondialisation dans sa forme et son contenu actuel se fonde sur le modèle de pensée occidental, d’inspiration néolibérale, dont les effets les plus visibles sont la normalisation des rapports humains, l’uniformisation des valeurs et la standardisation culturelle. Cette conception productiviste de la mondialisation a de lourdes conséquences sur les sociétés humaines et sur l’environnement. En effet, l’approche « tout économique » de la mondialisation fondée sur une vision occidentale du monde et justifiée par la doctrine du libre-échange a été foncièrement exclusive, injuste et inégalitaire, tant au niveau international, entre nations, qu’au sein d’un même pays, entre groupes sociaux. Elle affecte profondément les sociétés humaines, leurs fondements identitaires, leurs valeurs et leurs modes de consommation, en un mot leur choix de vie. Les négociations internationales, en particulier dans le cadre de l’OMC, génèrent souvent des tensions entre États, en relation avec les difficultés issues de la mondialisation. Ces tensions peuvent opposer les pays développés entre eux, les pays riches aux pays émergents ou en encore, ces deux groupes de pays aux pays pauvres. Cet affrontement permanent des intérêts, qui confine à une guerre économique larvée, reflète la nature « conflictuelle » de la mondialisation.
Face à une mondialisation qui renforce les plus forts et qui affaiblit les plus vulnérables, il importe de s’attaquer à ses effets négatifs sur les individus et les sociétés, en plaçant l’homme au cœur du processus. Il est vrai que de timides tentatives existent à travers notamment la promotion de la responsabilité sociale des entreprises ou plus généralement l’affirmation d’un droit social de la mondialisation. Il faut, à l’évidence, aller plus loin. L’être humain et l’écologie devront déterminer, à l’avenir, les rapports internationaux, y compris dans le domaine économique et financier. Une telle perspective commande de reconnaître et d’œuvrer à l’émergence d’une communauté mondiale pacifiée et solidaire, attentive aux droits fondamentaux des générations futures. Cette perspective exige de fonder la mondialisation sur un socle éthique commun mais aussi et surtout de construire un consensus mondial sur un fond civilisationnel, qui transcende sans les nier, les particularismes géo-anthropologiques et culturels.
Il demeure entendu que le repli identitaire et l’isolationnisme ne sauraient constituer une réponse crédible aux excès et dérives de la mondialisation déshumanisée qui a cours aujourd’hui. La vraie réponse ne peut résulter que d’une prise de conscience universelle des enjeux et des défis globaux (dont fait partie le développement de l’Afrique) qui s’imposent à la planète tout entière et qui requièrent des réponses concertées et une volonté commune de les mettre en œuvre, pour le bien de l’Humanité, une humanité riche de sa diversité et de la créativité des populations qui la composent. C’est dans la dialectique qui unit la communauté de destin à la diversité des valeurs et des cultures, qu’il faut puiser pour repenser la mondialisation et faire en sorte qu’elle devienne un véritable progrès pour l’Humanité.
La mondialisation qui façonne le monde d’aujourd’hui est synonyme d’explosion des flux internationaux de biens et services sous les effets combinés de la création de vastes espaces régionaux de libre échange, de la révolution des transports et de la reconfiguration mondiale des avancées et des retards de développement. Cet essor concerne les marchandises, mais également des flux humains, d’informations ou encore de capitaux. Porteurs d’enjeux souvent contradictoires, ces flux, visibles et moins visibles, structurent désormais l’espace planétaire.
Que l’on considère les mouvements migratoires, le transfert technologique ou encore les mouvements de capitaux, la mondialisation, dans son acception actuelle, pénalise les pays pauvres et compromet leurs chances d’accéder à ces ressources stratégiques, et donc à assurer leur développement et le bien-être de leurs populations. Le niveau des transferts technologiques et de capitaux en direction de l’Afrique n’a jamais été aussi bas. Outre qu’elle favorise la spéculation au détriment de l’investissement productif, la déréglementation financière ne profite, en définitive, qu’aux marchés boursiers interconnectés du monde développé. Pendant ce temps, les mouvements migratoires Sud-Nord privent le continent africain de ses forces créatrices et productrices et annoncent de nouvelles fractures.
Les nouvelles mobilités, à l’échelle mondiale, constituent un phénomène complexe et ambivalent. Ces dernières décennies, les migrations ont été exacerbées par la combinaison du déclin économique des pays pauvres et des forces centrifuges liées à la mondialisation. L’imaginaire migratoire de « l’eldorado occidental » est à la source de bien des mobilités, attirées par des métropoles économiques et culturelles du système-monde. Malheureusement, l’approche des pays développés, face à la déferlante migratoire, a été de stigmatiser ce phénomène et d’en faire un problème sécuritaire, oubliant qu’il a largement contribué à la prospérité économique des années 50.
Aussi est-il essentiel de faire en sorte que le phénomène de la mondialisation ne marginalise davantage les pays en développement, particulièrement les pays africains. Il incombe à la communauté internationale de réguler la marche de la mondialisation en se dotant des moyens d’en corriger les effets pervers, notamment en développant des institutions de gouvernance fortes, capables de réglementer le marché mondial et de promouvoir l’équilibre des intérêts entre le Nord et le Sud. Le système économique mondial et les marchés internationaux ne tiennent pas suffisamment compte aujourd’hui de la fragilité économique et sociale des pays en développement alors que la volatilité des capitaux internationaux accroît les inégalités de développement et la vulnérabilité des pays en développement face aux crises mondiales. Il faut également repenser les migrations internationales en termes de mobilité et d’opportunité pour l’humanité. Il faut, enfin, intégrer formellement le respect des normes sociales dans le commerce international, dans un esprit de partenariat et la mise en place d’un processus de surveillance multinationale contraignant afin de favoriser l’avènement d’un nouvel ordre mondial plus juste. Selon la nouvelle posture, la croissance n’est plus une fin en soi, elle doit être au service du bien-être de l’homme, en plaçant la dimension sociale, la lutte contre les inégalités et la pauvreté ainsi que la préservation de l’environnement au cœur de la mondialisation.