Forum Multi-Acteurs sur la Gouvernance au Mali (FMA)
Le Forum Multi-Acteurs sur la Gouvernance au Mali (FMA) est un espace non formel de dialogue, un processus d’examen minutieux des pratiques , de partage et d’échange des expériences, de consolidation des identités et d’ouverture à l’altérité.
Le Forum se propose d’identifier les leviers d’action qui servent un processus de gouvernance légitime, qui confortent les institutions de l’Etat sans contrarier les pratiques socio-culturelles du pays.
Le Forum est opérationnel au Mali depuis 2008 et a mis en débats 09 thématiques de gouvernance.
Pour d’amples informations, veuillez consulter le site www.forum-gouvernance-mali.org.
La formation et la socialisation du citoyen malien à travers l’éducation ressortent comme des éléments forts qui attirent l’attention. L’éducation et la citoyenneté, mises ensemble impliquent un vivre ensemble. Education citoyenne, citoyenneté à l’école, éducation pour la citoyenneté, tout cela a pour but de favoriser l’ouverture et la capacité des individus à vivre ensemble et contribuer à un projet de société commun égalitaire.
Quelques questions majeures posées par ce thème ?
• Quelles sont les références du passé et les valeurs citoyennes utiles au système éducatif pour mieux organiser le vivre-ensemble ?
• A travers l’éducation et la citoyenneté, comment développer une culture de responsabilité et de redevabilité afin de rendre les mesures de contrôle et les sanctions effectives et acceptées de tous ?
• Quelle pédagogie pour renforcer la citoyenneté ? comment rendre opérationnel et durable le lien entre l’école et la vie ?
• Comment l’éducation détermine positivement la citoyenneté ?
• Quelles sont les mécanismes appropriés pour influencer les pratiques d’élaboration de politique d’éducation et de formation à la citoyenneté ?
• Quel type de citoyen pour une bonne démocratie ?
Quels sont selon vous les enjeux et défis que pose le thème en matière de gouvernance politique ? :
• Le vivre ensemble suppose une forte intégration de la société dans son ensemble, comment parvenir à cette intégration sociétale lorsque les valeurs traditionnelles qui pourraient constituer un équilibre et des repères sont en forte déperdition ?
• Un demi-siècle après l’accession à l’indépendance des colonies africaines, le continent qui est toujours à la recherche de sa voie, est confronté à une situation où les libertés citoyennes font l’objet de revendication souvent incompréhensibles voire péremptoires. Face à cette situation, la question de fond qui reste posée est : de quoi est faite la citoyenneté dans les Etats africains ?
• La consolidation des nations africaines demande de promouvoir un nouveau type d’Homme africain afin d’asseoir une cohésion au sein de la population et améliorer le vivre – ensemble. Cela n’est possible qu’à travers une gestion en commun de notions fondamentales que sont l’éducation et la citoyenneté. Comment améliorer les systèmes d’éducation afin d’aider à la construction de citoyens éclairés et responsables.
• Les dérives des systèmes d’éducation en Afrique qui influencent négativement la construction citoyenne et le mieux vivre ensemble interpelle l’ensemble des acteurs à la réflexion sur le lien entre l’éducation et citoyenneté
• Comment susciter une prise de conscience par le citoyen de sa responsabilité sur le contrôle de la qualité des services publics ?
• Rétablir les principes communautaires du vivre-ensemble et promouvoir les valeurs sociétales africaines (la solidarité, la tolérance, le sens de l’honneur, la dignité, le respect de la personne humaine et des règles de vie, la connaissance de soi, la confiance en soi….) pour une société modèle
• Intensifier la sensibilisation à la citoyenneté en soutenant les formes d’éducation non formelle tout en tenant compte des langues nationales et des valeurs traditionnelles reconnues, acceptées et partagées.
• L’éducation et l’enseignement doivent être abordés ensemble, selon une approche systémique de l’école en dynamisant les cadres de concertation entre tous les acteurs liés à l’éducation depuis la base, en développant des mécanismes de participation des acteurs traditionnels (chef de village, religieux….) dans la gestion des établissements afin que les enseignants ne soient pas les seules personnes visibles dans le parcours scolaire, en liant l’école à la vie
• Développer une bonne connaissance des droits et devoirs des citoyens et des agents de l’état sur la délivrance des services publics.
• Constituer une société civile qui œuvrerait à promouvoir la culture de la redevabilité (rendre compte) chez tous les acteurs tout en sensibilisant les populations sur les enjeux de la citoyenneté
• Concevoir des politiques d’éducation inclusives qui valorisent le rôle de régulateur social de la citoyenneté basée sur des valeurs telles : la plaisanterie à parenté, le cousinage….
• Faire une analyse critique des facteurs endogènes et exogènes qui entravent le développement équilibré des jeunes dans la société actuelle
Le Forum multi-acteurs sur la gouvernance au Mali conçu comme un espace public de dialogue, un processus d’examen minutieux des pratiques, de partage et d’expériences, de consolidation des identités et d’ouverture à l’altérité. A terme, il est l’expression d’une volonté commune de changement qui aboutira à optimiser la localisation de la gouvernance, dans le respect des spécificités régionales et locales. En octobre 2010, un débat multi-acteurs s’est penché sur la problématique suivante : quelle éducation pour renforcer la citoyenneté au Mali ?
Solange Koné
De nationalité ivoirienne, madame KONE Solange est au plan international, alter mondialiste et membre du FORUM SOCIAL Mondial. Elle est par ailleurs, présidente fondatrice de la Marche Mondiale des Femmes (section Côte d’Ivoire).
Assistante sociale de formation, Madame Koné Solange est au plan national, membre fondatrice de l’ONG ASAPSU (Association de Soutien à l’Auto-Promotion Sanitaire Urbaine). Cette ONG a été crée le 19 Mai 1989 en Côte d’Ivoire. ASAPSU est partenaire de mise en œuvre de plusieurs organisations internationales comme le CCFD, l’UNICEF, le HCR, le PAM, l’OMS, l’OIM, IRC, Save the Children etc.
Au plan national également, Madame Koné Solange coordonne conjointement la cellule HCR-ASAPSU et les projets décentralisés d’ASAPSU à l’intérieur de la Côte d’Ivoire.
Madame Koné Solange est par ailleurs, membre de l’équipe humanitaire Pays d’OCHA Côte d’Ivoire. Elle est également, la présidente de la Fédération des ONG de Santé de Côte d’Ivoire et membre fondatrice de la Convention de la Société Civile Ivoirienne (CSCI), la plus grande faitière des organisations de société civile en Côte d’Ivoire.
A- ENJEUX ET DEFIS QUE POSE LE THEME
Qu’est ce que « vivre ensemble » ?
Pourquoi devrons-nous vivre ensemble ?
le vivre ensemble au sein des sociétés n’est-il pas un mythe en Afrique de l’Ouest, au regard des réalités du Mali (le nord Mali), du Nigéria (Boko Haram) et de la Guinée Bisseau (coup d’Etat en pleine élection démocratique) etc ?
Comment faire, pour que les humains vivent ensemble, dans la cohésion à l’heure du multiculturel et des échanges entre les peuples ?
B- PROPOSITION DE CHANGEMENT
Vivre ensemble selon Catherine Rouhier (Février 2006), ne va pas de soi, mais s’apprend. On pourrait selon elle, décliner un certain nombre de définitions de ce vivre ensemble. C’est :
• Promouvoir des valeurs
• Développer la solidarité
• Réorganiser notre vie commune sur la terre
• Former à la citoyenneté
• Prévenir les conflits
• Respecter les cultures, les religions
• Renforcer la volonté des individus à être des acteurs
• Apprendre à chacun à reconnaître en l’Autre la même liberté qu’en soi même…
Devant la grande diversité de cette notion de vivre ensemble, se pose la question de la nature du champ d’action.
C- EXPERIENCES ET INITIATIVES INNOVANTES
Comme expériences et initiatives innovantes, nous avons en terme de « vivre ensemble », les propos historiques et héroïque de Martin Luther King libellés comme suit : « Nous devons apprendre à vivre ensemble comme des frères, sinon nous allons mourir tous ensemble comme des idiots. » Martin Luther King.
Hormis cette citation de Martin Luther King, on retient avec Catherine Rouhier (2006), que le « vivre ensemble » est d’abord une éducation à la paix.
Elle nous apprend qu’en 1986, des adultes se regroupaient pour apporter une réflexion sur le thème de la Paix. Une Association fut fondée et elle s’appelait « les Amis de la Paix ».
La paix est une notion universelle qui concerne chaque homme et qui correspond à son désir profond. Elle est une valeur pour tous les hommes, c’est par elle qu’une nouvelle culture doit émerger. Elle a de multiples visages, celui de la dignité, de la solidarité, du partage, de la justice, de la fraternité. Promouvoir la paix, se confond avec créer les conditions de vivre ensemble. C’est donc à juste titre que le philosophe Alain a écrit ceci : « La paix n’est jamais, il faut la faire, la vouloir et donc y croire ».
Comme initiatives innovantes de vivre ensemble nous avons entre autres :
• La conceptualisation d’ouvrages pédagogiques dont l’objectif essentiel est de fournir un véritable programme d’acquisitions des valeurs de « vivre ensemble » depuis la maternelle jusqu’à la fin des études secondaires. La démarche est basée sur la prise de conscience de ses propres comportements ou de certains comportements, des bienfaits ou des ravages qu’ils peuvent provoquer chez l’autre et d’autre part sur la mise en place des valeurs indispensables pour vivre ensemble. Tous ces ouvrages servent au propre usage de l’Association pour des séquences de travail sur un thème donné mais aussi peuvent être utilisés par des enseignants, des animateurs ou tout adulte désireux de s’engager sur le chemin de la paix avec un groupe d’enfants ou de jeunes. Certains ouvrages ont été adaptés pour des pays en guerre ou en sortie de guerre avec la collaboration des enseignants de ces pays ; ce fut le cas, par exemple pour l’Algérie, la Colombie, le Rwanda et d’autre pays encore.
• La prévention des conflits par le recours d’un outil pédagogique spécifique « Le sentier de la guerre ou comment l’éviter ». Exposition accueillie par des collèges des bibliothèques, des centres sociaux. Elle incite les élèves à prendre conscience de ce que sont les préjugés, les discriminations, la rumeur, les différences, le bouc émissaire, tous ces germes de tensions, d’injustice et de guerre.
• L’animation de certains thèmes comme « l’autorité et la loi, mon corps, ton corps » . Ces animations qui ont lieu le plus souvent à la demande d’enseignants, s’étalent sur plusieurs semaines au rythme d’une heure par semaine pour permettre la réflexion et les changements de comportement.
• L’intervention sur demande, dans des situations de crise pour répondre à des phénomènes de violence, d’incivilités ou d’incapacité de vivre ensemble. La violence prend des formes paroxystiques à certains moments. Elle représente cependant, un trésor d’énergie et de vitalité. C’est pourquoi la réponse vise d’abord à permettre l’élaboration de cette violence par le langage et ensuite à transformer cette énergie pulsionnelle destructrice en énergie collective créatrice qui peut prendre différentes formes. L’engagement de l’Ecole de la Paix peut durer, dans ces circonstances, un bon trimestre à raison d’une séance par semaine. A titre d’exemples, plusieurs types de situations peuvent être abordés :
o Lorsqu’un enfant, un jeune ou toute autre personne exerce sur un autre enfant, jeune ou groupe, une domination, une force ou une toute puissance, vivre ensemble n’est plus possible :
Il est nécessaire, à ce moment là, de travailler cette Loi qui fonde les relations humaines : « Il est Interdit de faire de l’autre ce que je veux, quand je veux, où je veux, comme je veux ». Cette Loi, inscrite nulle part mais transmise, par voie orale, de génération en génération est l’impératif que tout sujet doit s’imposer pour tenir compte de l’Autre. C’est comprendre et accepter pour chacun l’obligation d’accéder à l’autre sans violence. Cette Loi impose des limites dans la relation entre deux ou plusieurs personnes en interdisant les comportements de toute puissance, de maîtrise, de pouvoir l’un sur l’autre.
o Quand des enfants, des jeunes, des adultes ne veulent pas se soumettre aux règles et aux lois d’une vie en classe, en famille ou en société, vivre ensemble n’est plus possible :
Il est important, à ce moment là, de travailler la nécessité des lois et des règles. Ce travail rentre dans un processus d’apprentissage pour que chacun comprenne le sens des règles, se les approprie, les intériorise et les applique quand la situation se présente. Règles et lois sont essentielles pour faire régner l’harmonie. Vivre en société, c’est connaître les lois et accepter de les suivre. On peut être des millions à former une société, si chacun accepte d’obéir aux mêmes lois, nous pourrons vivre ensemble.
o Quand des enfants, des jeunes ou des adultes se voient jugés, exclus de certains groupes et qu’une discrimination est exercée vis-à-vis d’eux, vivre ensemble n’est plus possible :
Il est nécessaire, à ce moment là, de travailler les différences, la tolérance, de faire découvrir la diversité des cultures, des intérêts, des désirs, des façons de vivre. Il s’agit d’expérimenter, de débattre pour comprendre qu’une opinion différente permet de se poser des questions, de progresser dans sa façon de voir, de penser et d’agir. C’est faire découvrir que toutes les petites attitudes quotidiennes où règne le mépris peuvent mener à des frustrations et des humiliations, sources de tensions et conduire à la violence.
Quand, dans une société, des enfants ne sont plus protégés et subissent de la part des adultes des atteintes à leur corps, le vivre ensemble n’est plus possible :
Il est nécessaire, alors, de faire de la prévention des comportements sexistes et des violences sexuelles, par une meilleure connaissance de l’autre, et prendre conscience de nos différences. Il s’agit d’initier des changements de comportements et attitudes entre les deux sexes pour développer une société où les relations homme/femme prennent tout leur sens et chercher ensemble des réponses ou savoir à qui parler quand ces situations se présentent.
o Quand des Etats ne respectent plus les règles et les lois qui régissent leur rapport, se servent de la force pour régler leur conflit, le vivre ensemble n’est plus possible :
Il est nécessaire de travailler à la prévention des conflits, à l’exercice de la médiation et découvrir que le règlement pacifique des conflits développe plus de liens entre les humains et plus de civilisation entre les peuples. L’étude de la construction européenne montre qu’après deux siècles de guerres, l’Europe a pu passer de la guerre à la paix et cela en tendant la main à l’ennemi, en proposant une coopération et en mettant en place une Haute Autorité, tenant lieu de médiateur. L’Union Européenne est un exemple de vivre ensemble en créant entre les peuples, les conditions d’une paix durable.
Tous les ouvrages et outils pédagogiques de vivre ensemble doivent avoir pour dénominateur commun : le respect de soi, le respect de l’autre, basé sur la prise de conscience qui permet de reconnaître en chacun, une personne humaine égale à soi même « L’Humanité de la personne d’autrui comme en soi même », écrivait Kant.
Ce respect est, retenue, suspension de l’acte insolent, blasphématoire, violent ou destructeur. Il pose un accord tacite, une limite à ne pas franchir. C’est une éducation qui se fait à petits pas.
Démarche pédagogique
L’approche utilisée dans l’éducation au vivre ensemble s’appuie sur une méthodologie où le rôle de l’imaginaire tient une place importante. Plusieurs temps interviennent dans le déroulement du travail :
• Un temps d’évocation qui consiste à faire l’état des lieux d’une part des images et des représentations mentales stockées dans l’imaginaire et d’autre part des savoirs de chacun au sujet du thème abordé.
• Un temps d’expérience : cette étape se réalise au travers d’une rencontre, d’un film, d’une exposition, d’une histoire…
• Un temps d’échange et de débat : ce qui a été vécu a besoin d’être élaboré par une parole et discuté pour être clarifié, enrichi par les uns et les autres.
• Un temps de création d’un support c’est-à-dire une réalisation individuelle ou collective (poème, journal, scénette, chanson, marionnette…) qui enracine par sa symbolisation tout le travail réalisé précédemment. C’est cette image mentale stockée qui motivera un engagement si l’ensemble du travail a été réalisé dans une ambiance agréable.
• Un temps d’action pour mobiliser et soutenir l’ensemble du projet.
La parole ne suffit pas à la transmission d’un savoir, c’est pourquoi le passage par des représentations mentales est indispensable. Les images mentales sont à la base de notre capacité à penser et à agir.
Les outils et les activités de formation de l’Ecole de la Paix sont basés sur cette mobilisation constructive de la fonction de l’imaginaire pour faire naître des images mentales dynamiques, restaurer des représentations douloureuses, transformer des images violentes.
Enrichir l’imaginaire est un axe fondamental de l’éducation car c’est un lieu nécessaire dans lequel tout être puise, pour y trouver les réponses aux questions de son existence
Il ne faut donc pas baisser les bras devant cet effondrement civique qui nous dépasse aujourd’hui mais considérer que la civilisation, au sens tout simple d’être capable de vivre avec les autres en société, cela s’apprend. C’est un travail énorme, mais il vaut la peine que le plus grand nombre de personnes s’y engage.
Néné Konaté
Madame Néné KONATE, Médiatrice ARGA-Mali et Coordinatrice Forum multi-acteurs sur la gouvernance au Mali (FMA). Titulaire d’un diplôme universitaire en Sciences appliquées, spécialité: Zootechnie de l’IPR de Katibougou/Mali, Néné KONATE a suivi de nombreux cours de spécialisation en Décentralisation -Développement local et assure depuis 2007, la coordination des activités de l’animation nationale du Mali au compte de l’Alliance pour refonder la gouvernance en Afrique. Elle est également membre fondatrice d’une ONG nationale dénommée APIDEC-ONG: Association pour la Promotion des Initiatives de Développement Communautaire intervenant dans le Développement local (secteur eau-hygiène-assainissement et renforcement des capacités des femmes à la participation à la vie publique. En 2008 avec l’appui du Programma Compétitivité et Développement des Production Agricoles au Mali, elle a monté une Unité de Transformation des Fruits locaux en jus et sirop dénommée NAPRO.
Questions majeures
• Quelles sont les références du passé et les valeurs citoyennes utiles au système éducatif pour mieux organiser le vivre-ensemble ?
• A travers l’éducation et la citoyenneté, comment développer une culture de responsabilité et de redevabilité afin de rendre les mesures de contrôle et les sanctions effectives et acceptées de tous ?
• Quelle pédagogie pour renforcer la citoyenneté ? comment rendre opérationnel et durable le lien entre l’école et la vie ?
• Comment l’éducation détermine positivement la citoyenneté ?
• Quelles sont les mécanismes appropriés pour influencer les pratiques d’élaboration de politique d’éducation et de formation à la citoyenneté ?
• Quel type de citoyen pour une bonne démocratie ?
Enjeux et défis
• Le vivre ensemble suppose une forte intégration de la société dans son ensemble, comment parvenir à cette intégration sociétale lorsque les valeurs traditionnelles qui pourraient constituer un équilibre et des repères sont en forte déperdition ?
• Un demi-siècle après l’accession à l’indépendance des colonies africaines, le continent qui est toujours à la recherche de sa voie, est confronté à une situation où les libertés citoyennes font l’objet de revendication souvent incompréhensibles voire péremptoires. Face à cette situation, la question de fond qui reste posée est : de quoi est faite la citoyenneté dans les Etats africains ?
• La consolidation des nations africaines demande de promouvoir un nouveau type d’Homme africain afin d’asseoir une cohésion au sein de la population et améliorer le vivre – ensemble. Cela n’est possible qu’à travers une gestion en commun de notions fondamentales que sont l’éducation et la citoyenneté. Comment améliorer les systèmes d’éducation afin d’aider à la construction de citoyens éclairés et responsables.
• Les dérives des systèmes d’éducation en Afrique qui influencent négativement la construction citoyenne et le mieux vivre ensemble interpelle l’ensemble des acteurs à la réflexion sur le lien entre l’éducation et citoyenneté
• Comment susciter une prise de conscience par le citoyen de sa responsabilité sur le contrôle de la qualité des services publics ?
• Rétablir les principes communautaires du vivre-ensemble et promouvoir les valeurs sociétales africaines (la solidarité, la tolérance, le sens de l’honneur, la dignité, le respect de la personne humaine et des règles de vie, la connaissance de soi, la confiance en soi….) pour une société modèle
• Intensifier la sensibilisation à la citoyenneté en soutenant les formes d’éducation non formelle tout en tenant compte des langues nationales et des valeurs traditionnelles reconnues, acceptées et partagées.
• L’éducation et l’enseignement doivent être abordés ensemble, selon une approche systémique de l’école en dynamisant les cadres de concertation entre tous les acteurs liés à l’éducation depuis la base, en développant des mécanismes de participation des acteurs traditionnels (chef de village, religieux….) dans la gestion des établissements afin que les enseignants ne soient pas les seules personnes visibles dans le parcours scolaire, en liant l’école à la vie
• Développer une bonne connaissance des droits et devoirs des citoyens et des agents de l’état sur la délivrance des services publics.
• Constituer une société civile qui œuvrerait à promouvoir la culture de la redevabilité (rendre compte) chez tous les acteurs tout en sensibilisant les populations sur les enjeux de la citoyenneté
• Concevoir des politiques d’éducation inclusives qui valorisent le rôle de régulateur social de la citoyenneté basée sur des valeurs telles : la plaisanterie à parenté, le cousinage….
• Faire une analyse critique des facteurs endogènes et exogènes qui entravent le développement équilibré des jeunes dans la société actuelle
Le Forum multi-acteurs sur la gouvernance au Mali est conçu comme un espace public de dialogue, un processus d’examen minutieux des pratiques, de partage et d’expériences, de consolidation des identités et d’ouverture à l’altérité. A terme, il est l’expression d’une volonté commune de changement qui aboutira à optimiser la localisation de la gouvernance, dans le respect des spécificités régionales et locales. En octobre 2010, un débat multi-acteurs s’est penché sur la problématique suivante : quelle éducation pour renforcer la citoyenneté au Mali ?
Assane Mbaye – Aliança para Refundar a Governação em Africa
Professor da Faculdade de Direito na Universidade Cheikh Anta Diop de Dakar desde 1996. Especializado em direito ambiental e direito do ordenamento do território, assim como em direito internacional e direito privado. Consultor em direitos humanos e governação. Actualmente coordenador regional da ARGA, participei na elaboração do livro de propostas para a mudança em África.
1/ Combinar a mediação social com a justiça do Estado responde a necessidade de satisfazer a ordem dos valores subjacentes à justiça.
A mediação social corresponde a :
Uma abordagem da justiça mais conciliadora do que repressiva no sentido que o desfecho de um litígio não deve apenas satisfazer a aplicação de uma lei que sanciona um desvio mas também a busca de uma solução justa que equilibra os interesses das partes ;
Uma justiça mais relacional e colectiva na medida em que o « processo» não afecta apenas os interesses individuais das partes ; ele ajuda a manter a paz social e o equilíbrio das relações colectivas entre os grupos das principais partes em litígio. Portanto, não se trata de uma transacção venal da qual as partes e os grupos sociais respectivos tirariam uma vantagem patrimonial ; trata-se principalmente de uma transacção relacional na sua essência que procura preparar o futuro mais do que corrigir o desrespeito «dos direitos» da vítima. A lei coloca-se assim numa teia de relações sociais onde representa apenas um aspecto ; é o conjunto das relações sociais que guiam a resolução dos conflitos. O raciocínio é invertido ; já não origina da regra abstracta e geral que determina a solução de um caso particular. Saímos do caso concreto para chegar a uma solução que poe em negociação vários factores incluso o direito positivo.
2/ Responder as necessidades de submeter os litígios a uma autoridade em que os dos litigantes confiam
A dimensão relacional dos modos tradicionais de resolução de litígios e a inserção de qualquer conflito, incluso entre dois indivíduos, numa rede de relações sociais que vai além do direito, influenciam a escolha do «juiz», a sua erudição, a sua sabedoria, o seu conhecimento dos precedentes, a sua idade, o seu estatuto matrimonial, o respeito que inspira, esses critérios todos são irão justificar que tal conflito lhe seja entregue. O que explica que a maioria dos conflitos nos países africanos escapam ao sistema judicial do Estado e são entregues as autoridades sociais.
3/ Evitar o « forum shopping» e a instrumentalização da dualidade de facto dos sistemas de resolução dos conflitos
O jogo dos actores sociais a nível judiciário pode ser guiado pela lógica dos interesses. A escolha de recorrer a lei e a justiça do Estado ou a mediação social nem sempre é uma questão de representação. Pode entrar em uma estratégia definida pelo actor que decide de acordo com os seus objectivos. Cada actor pode escolher o seu Direito e a sua justiça em função do resultado ao qual pretende. O uso do juiz Estatal pode ganhar na medida em que o requerente deseja prevalecer perante a aplicação do direito positivo. Por outro lado a escolha da mediação social pode ser adequada quando as partes (ou somente uma) assumem a fragilidade das suas pretensões em termos de direito positivo ou percebem que a decisão do juiz Estatal obtida pode ter pior consequências do que o que ela é suposta proporcionar ao litigante que ganhou o caso. Esta lógica de interesses, ou seja forma de vantagens comparativas deixados a escolha dos actores, resultando as vezes em jogos de vasos comunicantes entre a ordem estatal e a ordem extra-estatal. O mesmo conflito, em particular na área da propriedade da terra, pode assim passar de um sistema a um outro dependendo do facto que uma parte tenha tirado proveito do conflito ou não. A autoridade moral da instancia que exerce a justiça é também um factor decisivo do respeito da sentença. O acordo resultante da mediação é muitas vezes exteriorizado em cerimónias que revelam a sua existência aos grupos em questão e que, portanto, obriga as partes em conflito a respeitar os termos do acordo. A ameaça da obrigação através da utilização da força pública, ligada às decisões dos juízes Estatais tem estado a ser substituída por um outro tipo de constrangimento: o respeito da palavra, mediante a promessa que se faz no acordo e em que cada uma das partes pode ser testemunha, assim como a vontade de cada litigante de não prejudicar por sua culpa o equilíbrio social. O acordo torna-se definitivo e não é questionado. A falta de confiança na justiça estatal se explica em parte pelo facto que a existência de vias de recurso é potencialmente susceptível de causar decisões divergentes de uma jurisdição para outra. Assim, a justiça Estatal é muitas vezes ridicularizada nas sociedades em que é difícil aceitar que, através dos recursos, de uma pessoa que ganha no julgamento pode perder no recurso e vice-versa enquanto as decisões de mecanismos tradicionais são geralmente aceites e postas em prática.
I/ Institucionalizar o recurso prévio à mediação social
A escolha da resolução do conflito pode ser guiada pela natureza deste conflito. Uma classificação dos conflitos em três categorias é possível: os «conflitos intracomunitários», os «conflitos extracomunitários ligados a área publica» ou seja ligados ao Estado e por ultimo os conflitos ligados aos dois grupos, ou seja ligados as relações entre os grupos mas tratando-se mais de restauração de vinculo social do que sanção do Estado.
A primeira categoria reagrupa conflitos menores cuja resolução se pode obter por mediação social. Trata-se geralmente de casos em que o direito tradicional é mas relevante (nomeadamente propriedade de terras e relações familiares) mas também inclui certos casos de infracções de natureza menores (feitiçaria, pequenos roubos). Na segunda categoria se iria classificar necessariamente os conflitos ligados a justiça Estatal. Esta categoria incluiria também infracções penais graves nomeadamente o homicídio ou a violência. A terceira categoria faria respeito por exemplo aos conflitos entre agricultores e criadores ou conflitos entre aldeias.
A classificação dos conflitos sugere o uso que pode potencialmente ser feito dela em termos de coordenação da justiça do Estado e da mediação social. Primeiro, nos conflitos da primeira e da terceira categoria as instâncias de mediação social podem constituir um genro de «jurisdição do primeiro grau» cujo recurso seria realizado pelas partes em litígio. A criação das instancias de mediação e o seu modo de funcionamento seria portanto independente.
Então podemos também imaginar que próprio Estado possa criar instancias, permanentes ou ad hoc, para as quais determinaria a composição e as regras de funcionamento. O Mali o demostra bem com o estabelecimento de Comissões locais e municipais de propriedades agrícolas, as quais foi atribuída a missão de proceder a conciliação das partes no caso de litígio quanto a propriedades agrícolas, previamente ao recurso as jurisdições competentes”. O Estado poderá portanto decidir em certas áreas tornar o recurso prévio a mediação social em uma obrigação para os litigantes.
Finalmente, seja o recurso prévio a mediação facultativo ou obrigatório, o próprio juiz do Estado deveria ter o poder de usar o recurso nos casos em que não é obrigatório, e convidar as partes a dirigir-se a instância que terá designada ou a instância da escolha deles.
II/ PROTEGER A MEDIACAO SOCIAL E FORMALIZAR A SUA RELACAO COM A JUSTICA DO ESTADO
A coordenação das relações entre a justiça do Estado e a mediação social se deve formalizar para proteger a mediação social e quando for necessário para controlar a sua adequação com certos valores e princípios fundamentais cuja defesa cabe ao Estado.
A protecção da mediação social consiste em assegurar o respeito dos compromissos que decorrem da mesma. Mesmo que na maioria dos casos o respeito e a implementação destes compromissos não causam problemas particulares, não exclui a existência de conflitos que permanecem devidos a atitude das partes que fazem deliberadamente mau uso da coexistência de duas formas de resolução dos conflitos, em particular na área da propriedade das terras. Quanto a isso duas medidas especificas podem ser consideradas. Trata-se de um lado da publicação de decisões das instâncias de mediação e, de um outro lado da faculdade das partes de obter uma decisão de homologação da parte do juiz do Estado que irá determinar de forma definitiva os direitos que decorrem da mediação e assegurar a sua execução.
O controlo da mediação social não se deve excluir embora a sua autonomia para com a justiça deve constituir o princípio. O controlo pode ser efectuado a dois níveis. Primeiro, na ocasião da homologação solicitada por uma das partes, o juiz irá efectuar um controlo mínimo do conteúdo do compromisso e das condições da sua obtenção. Este controlo mínimo não consiste em retomar a resolução do conflito nem em verificar a conformidade da decisão com o direito do Estado; serve apenas para identificar os casos de violação dos direitos, dos valores ou dos princípios fundamentais garantidos pelo Estado, por exemplo para a protecção das crianças ou das mulheres e caso for necessário permite recusar a homologação. Um sistema de recurso deveria então ser estabelecido para poder agir contra as decisões das instâncias de mediação somente desta vez frente a um juiz do Estado que irá privilegiar um novo acordo, ou seja uma nova mediação.
BOUBACAR DICKO
Stakes and challenges laid by political governance thematic are as following :
> Regarding financial settings stakes /challenges are:
• Difficulties to evaluate financial volumes
• Financial resources granted by foreign collectivities are approved after competent assembly deliberations. They are completed by more difficult to identify resources brought by twinning committees.
• Viewed from Mali this situation do not allow to make a more precise assessment of decentralized cooperation grants, neither allowing to estimate distribution of allocated resources between investment, Malian collectivity functioning, humanitarian actions and also material transportation, containers sending, youth fieldworks … cooperation management cost.
• This lack of clear repartition has a double effect :
• Malian collectivities do not register (excepted a few cases) in their budget line items describing available resources lacking then to comply with rules.
• They cannot anticipate on realized equipments functioning costs ;
–Controled channels
• Three type of financial supports are provided by French collectivities :
. Funding direct management by funders.
. Funding transfer into a private bank account open in a malian bank the city mayor being the holder.
. Funding transfer into a tierce person account.
The proposed changes are as following:
• Malian collectivities elected officials capability to be strengthened.
• Support on grants writing and grants management toward collectivities
• Make effective state resources transfer to collectivities
• Cooperation projects should better match and cope with populations needs expressed in cultural and socio-economic Plans (PDSEC)
• Promoting partnership between public and private sectors (PPP)
• Linking Guidimaka communities in the Kayes region with the GRDR support
• Knowledge sharing between southern countries and North-South also.
• River and river cooperation (Niger-Loire)/ Water governance project granted by the EU to support rivers immaterial, material and cultural assets.
Azedine ABDENNOUR
Mr Azedine ABDENNOUR is an Algerian university teacher and an international consultant in public governance. He did hold public office responsibilities and has an expertise in state of law construction processes. He did publish many surveys
The repetitive issue in Africa : dispute around election results sometimes for good reasons (lack of transparency in the electoral process, participation rate cooking, favoritism…) but also because of democratic culture deficit (refusing to admit election loss), leading then to catastrophic scenario such as the one in Ivory Coast.
Other issue: the « providential man or consensual man » syndrome that formal elections help to « legitimize » denying then democracy.
Last issue but not the least, ancient generation refusing power sharing with new generations and then not allowing the country to renew its political elite (resentment and frustrations).
Ensure total transparency of electoral process and sensitize political actors about the need to accept elections results with all guarantees (institutions of control independence, international supervision…)
Ensuring open electoral competition between candidates who should have equal chances to compete. Candidature selection should be based on rigorous criteria of integrity and competency. Candidate should develop a clear vision of the country’s future, be able to face crises and realize national consensus around made choices.
There is a need to push history process by organizing succession on power of successive political generations. This is a necessity because in many of these countries, the youth is the largest demographic group.
These last years Africa has gained positive evolutions toward credible elections. There is a need to analyze seldom cases and create a modelization application in its general principles for the whole continent.
Azedine ABDENNOUR
Mr Azeddine ABDENNOUR est enseignant universitaire algérien, consultant international en gouvernance publique, Il a exercé des responsabilités importantes dans son pays et cumule une expertise significative dans la construction de l’Etat de Droit.Il est l’auteur de nombreuses études.
Problème récurrent en Afrique:la contestation des résultats des élections, pour des raisons parfois valables (manque de transparence du processus électoral,manipulation du taux de participation,favoritisme….)mais souvent, par déficit de culture démocratique (refus d’admettre qu’on à perdu l’élection), d’ou les scénarios catastrophe à l’ivoirienne.
Autre problème: Le réflexe de « l’homme providentiel ou l’homme du consensus » que les élections, purement formelles, ne font que consacrer et « légitimer », au prix d’un déni de démocratie.
Dernière problème et non des moindres, l’accaparent par les vieilles générations du pouvoir et leur refus de laisser place aux nouvelles générations, avec pour conséquence de priver le pays du renouvellement de son élite politique(rancœurs et frustrations).
Assurer une totale transparence du processus électoral et sensibiliser les acteurs politiques à la nécessité d’accepter le résultat des élections, entourées de toutes les garanties (indépendance des instances de contrôle, supervision internationale…).
Garantir une compétition électorale ouverte entre tous les candidats, qui doivent jouir des mêmes chances.La sélection des candidats doit obéir, quant à elle, à des critères rigoureux d’intégrité et de compétence. Le candidat doit avoir une vision claire de l’avenir du pays, être en mesure de faire face aux crises et de réaliser le consensus national autours des choix arrêtés.
Débloquer le mouvent de l’histoire en organisant la succession au pouvoir des générations politiques successives. Ceci est d’autant plus nécessaire qu’on à faire à des pays ou la jeunesses constitue l’écrasante majorité.
Au cours des dernières années l’Afrique a enregistré des avancées certaines sur la voie d’élections crédibles. Il s’agit d’analyser ces cas, malheureusement rarissimes, et de tenter un exercice de modélisation,applicable dans ses grandes lignes à l’ensemble du continent.
Assane Mbaye - Alliance pour Refonder la Gouvernance en Afrique
Enseignant à la Faculté de droit de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar depuis 1996. Spécialisé en droit de l’environnement et de l’aménagement du territoire, en droit international et en droit privé. Consultant sur des questions de droit de l’homme et de gouvernance. Actuellement coordinateur régional de l’ARGA, j’ai participé à la rédaction du Cahier de propositions pour changer l’Afrique.
1/ Combiner la médiation sociale à la justice étatique répond au besoin de satisfaire l’ordre de valeurs qui sous-tend la justice.
La médiation sociale correspond à:
une justice plus conciliatrice que répressive au sens où l’issue du litige ne doit pas seulement satisfaire l’application d’une règle de droit qui sanctionne une déviance mais la recherche d’une solution juste qui concilie les intérêts des parties;
une justice plus relationnelle et collective dans la mesure où le « procès » ne met pas seulement en jeu les intérêts individuels des parties ; il participe au maintien de la paix sociale et à l’équilibre des rapports collectifs entre les groupes auxquels appartiennent les principaux litigants. Il ne s’agit donc pas d’une transaction vénale de laquelle les parties et leur groupe social respectif tireraient un avantage patrimonial ; il s’agit avant tout d’une transaction relationnelle par essence qui cherche à aménager le futur plutôt qu’à rétablir une victime « dans ses droits ». Le droit s’insère ainsi dans un tissu de relations sociales dont il n’est qu’un aspect ; ce sont l’ensemble de ces relations sociales qui guident la résolution des conflits. Le raisonnement est inversé ; il ne part plus de la règle abstraite et générale qui conditionne la solution en s’appliquant à un cas particulier ; on part du cas concret pour aboutir à une solution qui met en négociation divers facteurs dont le droit positif est partie intégrante.
2/ Répondre à la nécessité de soumettre les litiges à une autorité ayant la confiance des justiciables
La dimension relationnelle des modes traditionnels de résolution des litiges et l’insertion de tout conflit, même entre deux individus, dans un réseau de relations sociales qui dépasse le droit, influent sur le choix du « juge »: son érudition, sa sagesse, sa connaissance des précédents, son âge, son statut matrimonial, le respect qu’il inspire, seront autant de critères qui justifieront que tel conflit lui soit confié. Cela explique que la plupart des conflits dans les pays africains échappent au système judiciaire étatique et soient confiés à d’autres autorités sociales.
3/ Éviter le « forum shopping » et l’instrumentalisation de la dualité de fait des systèmes de résolution des conflits
Le jeu des acteurs sociaux en matière judiciaire peuvent être guidés par des logiques d’intérêts. Le choix de recourir au droit et à la justice étatiques ou à la médiation sociale n’est pas toujours une question de représentation. Il peut entrer dans une stratégie définie par l’acteur qui en décide en fonction des objectifs qu’il poursuit. Chaque acteur peut choisir son Droit et son juge en fonction du résultat qu’il en attend. Le recours au juge étatique peut l’emporter dès lors que le demandeur espère avoir gain de cause en application du droit positif. Inversement le choix de la médiation sociale peut s’imposer lorsque les parties (ou l’une d’elles) supposent la fragilité de leurs prétentions au regard du droit positif ou se rendent compte que la sentence obtenue du juge étatique peut avoir des conséquences plus dommageables que le gain qu’il est supposé apporter au plaideur qui a gagné le procès. Cette logique d’intérêts, sorte d’avantages comparatifs présidant au choix des acteurs, aboutit parfois à des jeux de vases communicants entre ordre étatique et ordre extra-étatique. Un même conflit, en matière foncière particulièrement, peut ainsi passer d’un système à un autre selon qu’une partie en a tiré satisfaction ou non. L’autorité morale de l’instance qui exerce la justice est aussi un facteur décisif du respect de la sentence rendue. L’entente issue de la médiation est souvent extériorisée dans des cérémonies qui en révèlent l’existence aux yeux des groupes considérés et qui, partant, obligent les parties en conflit à en respecter les termes. La menace de la contrainte par le recours à la force publique qui s’attache aux décisions des juges étatiques se voit substituer un autre type de contrainte : le respect de la parole donnée à travers la promesse contenue dans l’entente et dont chaque groupe a pu être le témoin ainsi que la volonté de chaque litigant de ne pas porter atteinte par sa faute à l’équilibre social. L’entente devient définitive et n’est pas remise en cause. Le déficit de confiance envers la justice étatique s’explique dans une certaine mesure par le fait que l’existence des voies de recours est potentiellement susceptible d’entraîner des décisions divergentes d’une juridiction à une autre. Ainsi, la justice étatique est souvent raillée dans des sociétés où il est difficile d’admettre que, par le jeu des recours, une personne qui gagne en première instance perde en appel ou inversement alors que les décisions issues des mécanismes traditionnels sont généralement acceptées et mises en exécution.
I/ INSTITUTIONNALISER LE RECOURS PRÉALABLE À LA MÉDIATION SOCIALE
Le choix du mode de résolution des conflits peut être guidé par la nature de chaque conflit. Une classification des conflits en trois catégories1 est possible: « les conflits intra-communautaires », les « conflits extracommunautaires relevant du domaine public » et donc de l’État et les conflits « en rapport avec les deux tableaux » c’est-à-dire qui touchent « aux relations entre les groupes mais qui relèvent plus de la restauration du lien social que de la sanction étatique ».
La première catégorie regroupe des conflits mineurs dont la résolution peut relever de la médiation sociale. Il s’agit essentiellement des cas où les droits coutumiers sont encore prégnants (foncier, relations familiales notamment) mais aussi de certaines infractions d’une gravité mineure (sorcellerie, petits vols). Dans la deuxième catégorie, on rangerait les conflits relevant nécessairement de la justice étatique. Seraient notamment concernées les graves infractions pénales comme le meurtre ou les violences. Enfin la troisième catégorie de conflits concernerait par exemple les conflits entre agriculteurs et éleveurs ou les conflits entre villages.
La classification des conflits laisse entrevoir l’usage qui peut potentiellement en être fait en termes de coordination de la justice étatique et de la médiation sociale. Tout d’abord, dans les conflits des première et troisième catégories, les instances de médiation sociale peuvent constituer une sorte de « juridiction du premier degré » dont la saisine préalable serait érigée en faculté pour les parties en litige. La création des instances de médiation et leur mode de fonctionnement serait alors libre.
Ensuite on peut tout aussi bien concevoir que l’État lui-même puisse créer des instances, permanentes ou ad hoc, dont il fixerait la composition et les règles de fonctionnement. Le Mali en offre l’illustration avec l’institution des Commissions foncières locales et communales auxquelles on a attribué une mission de « procéder à la conciliation des parties à un litige foncier agricole, préalablement à la saisine des juridictions compétentes ». L’État peut donc décider dans certaines matières de faire du recours préalable à la médiation sociale une obligation pour les litigants.
Enfin, que le recours préalable à la médiation soit facultative ou obligatoire, le juge étatique devrait lui-même avoir la faculté d’y recourir dans les cas où elle n’est pas obligatoire et, le cas échéant, inviter les parties à s’adresser à l’instance qu’il aura désignée ou à celle de leur choix.
II/ SÉCURISER LA MÉDIATION SOCIALE ET FORMALISER SES RAPPORTS AVEC LA JUSTICE ÉTATIQUE
La coordination des rapports entre justice étatique et médiation sociale doit être formalisée dans le but de sécuriser la médiation sociale et, lorsque cela le requiert, d’en contrôler l’adéquation avec certaines valeurs et principes fondamentaux dont la défense relève de l’État.
La sécurisation de la médiation sociale consiste à assurer le respect des compromis qui en sont issus. Même si dans la plupart des cas le respect et l’exécution de ces compromis ne posent pas de difficulté particulière, il n’en demeure pas moins qu’il existe des conflits qui perdurent du fait de l’attitude des parties qui utilisent à mauvais escient la coexistence des deux formes de résolution des conflits, surtout en matière foncière. À cet égard deux mesures précises peuvent être envisagées. Il s’agit d’une part de la publication des décisions des instances de médiation et, d’autre part, de la faculté pour les parties d’obtenir du juge étatique une décision d’homologation qui fixe définitivement les droits issus de la médiation et en assure l’exécution.
Le contrôle de la médiation sociale n’est pas à exclure même si son autonomie vis-à-vis de la justice étatique doit constituer le principe. Le contrôle peut s’effectuer à un double niveau. D’abord, à l’occasion de l’homologation demandée par l’une des parties, le juge effectuerait un contrôle minimal du contenu du compromis et des conditions de son obtention. Ce contrôle minimal ne consiste pas à reprendre la résolution du conflit ni à vérifier la conformité de la décision avec le droit étatique ; il sert simplement à relever les cas d’atteinte à des droits, valeurs ou principes fondamentaux garantis par l’État, par exemple la protection des enfants ou des femmes et, le cas échéant, permet de refuser l’homologation. Ensuite un système de recours devrait être ouvert contre les décisions des instances de médiation mais devant un juge étatique qui privilégierait un nouveau compromis, donc une nouvelle médiation.