En dépit de ses immenses atouts naturels - 30% des réserves minérales mondiales, 15% des terres arables du monde et 20% du potentiel hydroélectrique du monde -, l’Afrique ne parvient toujours pas à créer suffisamment de richesses pour assurer le bien-être à sa population, encore moins à se hisser à un rang honorable sur la scène mondiale. Après plusieurs décennies d’indépendance et malgré les flux constants d’aide financière et technique dont il a bénéficié, le continent africain se trouve toujours dans une situation de marginalisation, dans un monde ou la flexibilité, l’adaptabilité, l’attractivité et les savoirs constituent les facteurs d’insertion par excellence. Pour les États et les opérateurs économiques européens, asiatiques et américains, l’Afrique n’est qu’une source de matières premières et un marché pour écouler des produits d’exportation et parfois même des déchets. Pour les acteurs sociaux de ces mêmes pays, l’Afrique n’est qu’un objet de compassion et de charité. Cette attitude de quémandeur qui attend tout des autres, de bradeur insouciant de ses ressources et d’acheteur de tout ce qu’il aurait pu produire n’est plus tenable.
Pour sortir de ce piège, l’Afrique doit produire sa propre vision de la mondialisation en tenant compte de ses priorités que sont l’accélération de la croissance, la création d’emploi et l’éradication de la pauvreté. Dans ce cadre, plusieurs questions se posent à l’Afrique. Peut-elle rester à l’écart des changements qui bouleversent l’économie mondiale ? Si c’est non, comment limiter les risques inhérents à la mondialisation? Dans quelle mesure l’Afrique est-elle déjà intégrée à l’économie mondiale et comment peut-elle améliorer sa compétitivité sur les marchés internationaux ? Comment les pays africains doivent s’y prendre pour tirer le meilleur parti possible de la mondialisation ? Dans la formulation des réponses à ces questions, plusieurs points méritent d’être considérés : premièrement la mondialisation n’est pas une panacée. L’intégration à l’économie mondiale est une condition nécessaire à la croissance, mais pas suffisante. Une croissance durable et un recul de la pauvreté dépendent aussi de la stabilité macroéconomique, d’un ratio élevé de l’investissement par rapport au PIB, de systèmes juridiques et comptables fiables, ainsi que des institutions publiques responsables. Deuxièmement, une croissance de qualité est nécessaire à la progression du volume des échanges extérieurs de l’Afrique. Les mesures de libéralisation commerciale ne suffisent pas à elles seules. Troisièmement, pour profiter réellement de la mondialisation, l’Afrique doit impérativement améliorer sa compétitivité et investir de nouveaux domaines, à l’instar de l’économie numérique. Quatrièmement, l’expérience des pays asiatiques démontre l’importance de l’investissement humain dans la réussite de l’intégration à l’économie mondiale.
A l’aube du troisième millénaire, le continent africain doit reprendre l’initiative. L’Afrique ne pourra faire entendre sa voix que si elle parvient à construire son propre projet et reprendre son destin en main. Pour exister et compter l’Afrique devra impérativement rompre avec le mode actuel d’insertion dans l’économie et nouer avec des modes plus avantageux, fondés sur la valorisation optimale de ses ressources, pour garantir son développement dans un monde plus incertain que jamais.
L’Afrique doit être respectée, écoutée et libre, aller à la « table du donner et du recevoir » qui symbolise la mondialisation et y disposer d’une place digne de sa grandeur. C’est la moindre de ses prétentions. L’ambition est donc de contribuer à l’avènement d’une Afrique maitresse de son avenir et de son apport au Monde. Dans cette perspective, L’Afrique devra relever le redoutable défi économique de son insertion dans les nouvelles chaines de valeurs mondiales, avec le formidable potentiel de transformation productive qu’elles offrent. Cela suppose également tout un travail sur les appareils productifs africains. Longtemps restés dans une économie de rente basée sur les exportations de matières premières, les pays africains doivent s’industrialiser pour transformer structurellement leurs économies. Ensuite, il faut réussir une insertion dans les flux mondiaux et les mouvements de capitaux, pour nouer des partenariats et les alliances industrielles. Enfin, il faut articuler la régionalisation et la mondialisation dans la mesure où, pour que l’Afrique devienne une puissance, il faut transformer les réalités géographiques en réalités politique et économique avec des capacités de négociation renforcées et un leadership crédible. Tout l’enjeu est d’intégrer l’Afrique dans le temps mondial, c’est-à-dire une Afrique qui puisse comprendre les enjeux, s’en saisir, exprimer une volonté et développer un savoir, un savoir-faire et un savoir-être. Ce qui est en jeu, c’est le passage de l’Afrique de son statut de sujet de négociations internationales au statut d’acteur influent de la mondialisation.