Conférence 2017 :

Processus d’extension planétaire du capitalisme, la mondialisation constitue une nouvelle phase dans l’intégration des phénomènes économiques, financiers, écologiques et culturels, dont le but déclaré est l’abolition des frontières physiques et réglementaires. La mondialisation est un phénomène ambivalent qui comporte à la fois des promesses de croissance du commerce et de l’investissement international et des risques accrus d’instabilité et de marginalisation. Cette ambivalence est reflétée par les performances économiques contrastées, enregistrées au niveau mondial, au cours des deux dernières décennies. Alors que les pays développés et émergents ont su tirer avantage de la mondialisation, les pays moins développés, en particulier les pays africains, ont connu une aggravation de leurs déséquilibres, du fait des entraves à leur développement. La marginalisation de ces pays est illustrée par la modicité de la part qui leur revient dans l’investissement mondial (1 %).

La mondialisation dans sa forme actuelle soulève des interrogations voire des appréhensions. Est-elle réellement une chance offerte aux pays africains pour s’industrialiser et s’ouvrir de nouveaux horizons ou, au contraire, est-elle une source de marginalisation irrémédiable d’une Afrique incapable de se défaire du mode actuel d’insertion, fondé sur l’exportation de matières premières brutes ? Les réflexions et propositions actuelles sur la place et le devenir du continent africain dans le monde insistent particulièrement sur l’effet d’éviction d’un tel processus et sur la nécessité d’éloigner le spectre de la marginalisation.

Au début des années 60, le continent africain participait à hauteur de 14 % au commerce mondial, alors que sa population représentait à peine 9 % de la population mondiale. En 2013, sa part dans les échanges mondiaux a chuté à 4 % alors que son poids démographique atteignait les 14 %. Au cours des deux dernières décennies, la part de l’Afrique subsaharienne dans les échanges mondiaux a diminué de moitié alors que ses importations de céréales ont été multipliées par trois et que sa dette totale a été multipliée par vingt. Le continent africain se trouve ainsi engagée dans une marche régressive dont les signes sont perceptibles aussi bien dans le domaine économique que dans les domaines politique, culturel et social.

L’Afrique est faiblement audible dans les débats sur les grands enjeux mondiaux. Elle est absente des grandes décisions mondiales qui se prennent aux Nations Unies, dans les organisations financières internationales ou dans des instances de gouvernance mondiale comme le G7 et le G20. Alors même que la plupart des décisions prises dans ces cercles ont des répercussions sur la vie quotidienne des populations africaines. L’Afrique suit plus qu’elle ne décide, subit plus qu’elle n’agit en raison de la faiblesse de ses marges de manœuvre et, par conséquent, de son pouvoir de négociation. Seules les grandes puissances économiques et politiques sont en capacité de prétendre au leadership et à la direction des affaires mondiales, en fonction de leurs intérêts propres, comme il en est des négociations actuelles sur le réchauffement climatique.

Cependant, bien que la situation actuelle ne semble pas favorable, les tendances des prochaines décennies autorisent l’optimisme si les africains se mettent en capacité de valoriser l’énorme potentiel économique et humain du continent, les progrès accomplis en matière de gouvernance démocratique et la réduction des conflits – malgré l’apparition de nouvelles menaces à la paix et à la sécurité -. En 2013, l’Afrique a réalisé en termes de croissance des performances supérieures à celles de l’économie mondiale – 4% contre 3%, malgré la volatilité, l’inégalité entre les pays et les régions et la mauvaise répartition des fruits de cette croissance – et les tendances restent favorables de ce point de vue. Les apports financiers extérieurs sont en hausse constante - qu’il s’agisse d’investissements étrangers ou de transferts des migrants - ainsi que les recettes fiscales. Les entreprises peuvent être optimistes au regard des facteurs clé que sont les progrès technologiques, l’urbanisation et les bouleversements démographiques. La pauvreté est en recul, les revenus augmentent ; les systèmes éducatifs et de santé sont en nette amélioration, augmentant ainsi les capacités de l’Afrique à se doter de ressources humaines de qualité capables d’entrer en compétition avec le reste du monde. Le potentiel en ressources naturelles reste immense malgré les défis écologiques inhérents à son exploitation – changement climatique, épuisement des ressources, accès à l’énergie -.

Enfin, l’instabilité et les risques politiques dans certaines régions ne doivent pas cacher les progrès accomplis en termes de gouvernance et de démocratisation des États et des sociétés et il est fort probable que ces processus soient irréversibles si les pays africains prennent la mesure des menaces politiques et sociales auxquelles ils sont exposés et développent leur capacité d’anticipation et de résilience face aux conflits qu’elles sont susceptibles d’entraîner.

Au regard de ce contexte global, l’Afrique est de toute évidence confrontée à un défi existentiel, celui de son insertion avantageuse dans le processus de mondialisation en cours et son affirmation sur la scène mondiale, en tant qu’acteur à part entière, qui compte dans la prise en charge des défis communs et qui fait valoir ses droits légitimes au développement et au progrès de ses peuples. Il est donc impératif, à l’entame du nouveau cinquantenaire, d’ouvrir le débat sur les conditions d’un renouveau des relations à construire entre l’Afrique et les autres continents et régions du monde. Tout en affrontant résolument le défi de l’insertion dans la mondialisation, l’Afrique doit opérer en son sein les changements structurels qui lui permettront de tirer partie d’une mondialisation partagée, au service de la paix et du développement durable de l’humanité tout entière (I). Par ailleurs, les propositions qui émergent de nos jours plaident en faveur de nouveaux dispositifs partenariaux, compatibles avec l’accession du continent africain à une position de plus grande responsabilité aux plans économique, politique et culturel. A cet effet, il convient de refonder la gouvernance mondiale pour plus de légitimité et d’efficacité dans la prise en charge des défis globaux (II). Enfin, tout en renforçant un partenariat gagnant-gagnant avec les autres pays et grandes régions du monde, l’Afrique doit s’efforcer de sortir de la dépendance et de faire entendre sa voix. Le continent doit se doter de capacités lui permettant d’être un acteur à part entière de la mondialisation et de saisir les nouvelles opportunités qu’elle véhicule (III).

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