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Le marché est devenu, au fil du temps, le mode de régulation dominant, qui impose sa logique néolibérale et ses rythmes à tous les domaines (économique, politique, social, culturel, éthique). Au cours des cinquante dernières années, le progrès scientifique et technique a contribué au triomphe de l’idéologie de marché et à son extension à la planète entière. Plus récemment les programmes d’ajustement structurel ont imposé les règles du marché aux pays confrontés à une crise de la dette. Le mode de régulation par le marché, produit de l’histoire de l’Occident, suscite, à juste titre, des doutes sur son universalité et des résistances quant à l’opportunité de sa diffusion à l’échelle planétaire.

Le double mouvement d’accélération de la marchandisation et de renforcement de la mondialisation, produit par l’économie de marché, est si rapide dans les faits que les instances de la société en charge des régulations nécessaires pour «vivre ensemble » et pour « vivre avec notre planète » sont de plus en plus impuissantes à jouer leur rôle. L’exclusion et la marginalisation fracturent les sociétés et le monde tandis que la planète est menacée par une exploitation incontrôlée des biens communs de l’humanité. La transformation lente des idées, des institutions, du droit, ne parvient pas à suivre le rythme du changement imposé par les forces du marché. Le fossé qui se creuse ainsi menace l’avenir de chaque société et de toute l’humanité. La construction de régulations nouvelles entre le secteur privé et la société, entre les biens privés et les biens communs, entre espaces privés et espaces publics, est une tâche complexe mais d’une extrême urgence. Les récentes crises financières internationales, qui ont mis à mal des secteurs d’activités essentiels dans nombre de pays, montrent les limites de la gouvernance mondiale tout en mettant en exergue la nécessité de sortir de l’« intégrisme de marché » porté par les institutions multilatérales et internationales (FMI, BM, OMC, Accords de Partenariat Economique, etc.) et de repenser les mécanismes de régulation, selon une approche holistique, qui prenne en compte l’Afrique en tant qu’élément essentiel de la géopolitique mondiale.

C’est tout l’enjeu de refonder la gouvernance. Le rôle irremplaçable de la gouvernance dans le processus de développement a pour corollaire le renouvellement de la gouvernance ; l’un ne peut aller sans que l’autre soit reconnu et promu.

Une nouvelle gouvernance devra naître d’un processus de construction collective d’un système de valeurs, de structures et de procédures, qui trouvera sa légitimité dans sa capacité à concilier l’unité nécessaire à toute collectivité humaine et la diversité d’un monde de plus en plus complexe. Dans cet esprit, un défi majeur est de faire entendre la voie africaine dans les instances internationales et les propositions africaines pour une gouvernance mondiale.

Pour prétendre à la « légitimité » la mondialisation a besoin de s’ouvrir à toutes les catégories d’acteurs et à tous les niveaux. Faute d’ouverture consentie, l’initiative du changement est venue des organisations sociales et de la société civile, notamment des réseaux de tous ordres, des organisations non-gouvernementales et des mouvements citoyens, qui constituent un véritable contre-pouvoir en pesant de tout leur poids sur l’opinion mondiale. Ainsi, des défis mondiaux ayant trait à l’économie, au social, à la culture ou à l’environnement sont de plus en plus portés par des acteurs non-institutionnels, organisés dans des espaces formels ou non formels, même s’ils éprouvent encore de réelles difficultés à accéder aux instances mondiales de décision.

La « démocratie mondiale » dans sa version néolibérale semble privilégier les approches technocratiques et institutionnelles, déniant aux acteurs non-étatiques la possibilité de se constituer et de se positionner en tant que force de proposition au sein des institutions dédiées à la gouvernance des affaires mondiales. La refondation de celle-ci passe par l’inclusion des acteurs non-étatiques et une réelle démocratisation des processus décisionnels. Pour gagner en légitimité et en efficacité la gouvernance mondiale doit promouvoir le décloisonnement des différentes catégories d’acteurs, relier les diverses problématiques et articuler les échelles. Elle doit s’inscrire dans une approche inclusive et ouverte.

Au delà des négociations étatiques multilatérales, bilatérales et en cercles fermés, il devient urgent de promouvoir des espaces de rencontres et de dialogue entre les acteurs économiques et sociaux du monde. Ce dialogue des forces vives doit permettre la construction, à partir de l’identification des enjeux mondiaux communs, des perspectives communes et de l’indispensable partenariat à construire entre les acteurs de différents continents.