Atelier :


La pauvreté du continent noir est fondamentalement liée à la pénurie de réflexion endogène sur le développement africain, et sur les voies appropriées d’insertion dans l’économie-monde. De ce point de vue, la crise de l’Afrique est d’abord une crise de l’Afrique des « élites formatées », de l’État, et des partenaires au développement partisans d’une «modernité dupe» basée sur une rationalité technico-industrielle et marchande agressant de larges couches de la population et déstabilisant leur vision du monde, tout en ayant beaucoup de peine à manifester sa cohérence et son adaptation à la réalité africaine. Pour prospérer, les stratégies africaines de développement doivent alors être bâties sur une autre conception de l’économie, en mesure de prendre en charge les réalités et valeurs fondamentales des sociétés africaines ainsi que les déterminants non marchands et non monétaires des dynamiques économiques.

Il faut donc restaurer la confiance et la capacité des Africains à construire des solutions adaptées aux défis de développement du continent. A cet égard, il convient de bâtir des institutions et des réseaux endogènes de recherche - et renforcer ceux qui existent déjà - tant publics que privés, et à toutes les échelles – locale, nationale, sous-régionale et continentale. Subséquemment, il faut garantir la valorisation, la protection et la promotion des savoirs, savoir-faire et technologies orientés vers les besoins des africains, et ancrés dans les réalités des sociétés africaines.

Au-delà de la re-conceptualisation du développement africain, cette communauté endogène de recherche devrait s’atteler à repenser les outils d’analyse, les instruments et les systèmes d’information de l’économie africaine pour davantage connecter la recherche aux dynamiques réelles, et renforcer ainsi les fondements rationnels et scientifiques de la décision publique et des choix du secteur privé.

L’Afrique est immensément riche, mais les africains sont dramatiquement pauvres. Ce constat enseigne que la première ressource de développement, c’est l’Homme. Encore colonisés dans la pensée, et fascinés par les modèles conçus ailleurs et pour d’autres réalités, les africains perpétuent des institutions et des systèmes d’enseignement et de formation en parfaite inadéquation avec leurs intérêts et leurs besoins. Ce faisant, l’Afrique produit et entretient depuis toujours une intelligentsia « hors-sol », une « élite intellectuelle cosmétique », promotrice de la mauvaise gouvernance, incapable d’éclore et de féconder le potentiel de développement du continent, incapable de répondre aux aspirations légitimes des populations, confortable dans la collusion avec les intérêts étrangers et dans les difficultés à se hisser au rang d’acteur à part entière de la mondialisation.

Or, pour tirer bénéfice de ses ressources naturelles et réussir son développement, l’Afrique doit d’abord recouvrer sa pleine et entière souveraineté sur ses ressources humaines, notamment en menant une refondation hardie pour adapter les systèmes d’éducation, de formation et de recherche aux réalités et aux besoins de l’économie et des sociétés africaines. Dans cette perspective, la crise de la citoyenneté invite à repenser l’éducation comme fondement des valeurs collectives pour favoriser l’épanouissement de chaque individu dans le respect du sens et des finalités de la vie en société, comme le socle éthique et politique d’une « commune volonté de vie commune ». Quant à la structure et aux dysfonctionnements des économies africaines, ils commandent assurément de relever et de renforcer le niveau d’accès et la qualité des enseignements scientifiques et techniques en rapport avec les défis et les opportunités de développement de l’Afrique. Il faut alors réinventer des systèmes éducatifs qui offrent des repères solides à un nouveau type d’africain ainsi que des systèmes de formation intégrés, basés sur l’excellence et au service des sociétés africaines.